Chapitre 5 : Paraître

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Clelia passa à sa chambre pour se changer. Timia la rejoignit avec une bassine d'eau, des bijoux et un immense morceau de tissu de lin vert cousu sur les côtés. 

— Tu n'es pas trop fatiguée ? s'enquit la fille d'Aédone.

— Je rêve de me consacrer à la préparation d'un baume pour demain mais à la place, je me retrouve à assister à un banquet. Je vais passer la pire soirée de ma vie !

Timia esquissa un sourire en détachant les cheveux de sa sœur de lait et lui fit face en ôtant son diadème de prêtresse.

— Si cela peut te rassurer, maîtresse, je serai là pour le banquet. Mère a dit je pouvais venir pour t'assister si besoin et également pour me former à la succession de son rôle.

— D'abord, je refuse que tu m'appelles ainsi, même en public. Et ensuite, je suis surprise qu'Aédone ait eu la même idée que ma mère.

Le chiton glissa sur le sol et la jeune esclave tendit un morceau de laine trempé à Clelia.

— J'ai vu les invités de banquet, lui fit savoir Timia. Il y aura ton oncle, les rois des villes voisines qui logeront ici pour quelques jours avec pour certains leurs épouses, les nobles de la cité et leurs fils.

— Tu sais maintenant pourquoi je hais les banquets.

Timia lui fit passer l'immense pièce de tissu qui se répandit sur les bras.

— Le chiton doit-il avoir des manches ou alors je l'agrafe seulement aux épaules ?

— Avec des manches.

Timia obéit et agrafa avec précision l'immense tissu. Les drapés qui retombèrent jusqu'aux pieds de Clelia faisaient penser aux statues des déesses dans les temples. Pourtant, cela donnait un effet informe à la princesse qui se réjouissait que ses formes étaient cachées de la vue des hommes.

— C'est parfait, décréta la princesse.

— Pas du tout ! La reine me ferait battre si je te laissais ainsi, les cheveux détachés. Tu n'es pas une prêtresse d'Aphrodite, ni une prostituée, s'indigna en retour l'esclave. Il m'a confié sa ceinture de péridot et des bijoux. Et puis il faut que je te mettes le diadème !

Clelia la regarda avec désespoir. Elle détestait ces obligations de se changer en permanence pour une petite réception. Elle préférait une tenue simple qui la laissait libre de ses mouvements.

— Très bien, je me rends. Mais je te préviens, je ne fais cela que pour éviter que ma mère ne te batte.

Timia se mit à rires aux éclats et accrocha la ceinture qui appartenait à la première reine de Delphes, vestige de son passé d'Amazone. Les autres bijoux venaient du mariage d'Eupsychia et des précédentes reines. Timia lui présenta la cassette de bois de cèdre et parmi cet enchevêtrement de chaîne d'or et d'argent, Clelia tira un collier en argent avec en pendentif une une perle blanche, des pendants d'oreille de la même forme et enfin un diadème d'argent incrusté de péridots, comme pour la ceinture. Les cheveux furent coiffées avec talent autour de diadème. L'esclave attrapa le miroir de bronze poli et lui présenta sa coiffure.

— Nous avons enfin fini, soupira Clelia en se levant.

— Pas du tout ! Il manque le maquillage !

Clelia se retint de lancer une malédiction sur toute cet attirail inutile et chronophage. Elle se laissa faire encore une fois pendant que Timia appliquait le rouge pour les lèvres et soulignait et le regard d'émeraude de la princesse avec du noir. L'esclave connaissant les goûts de sa sœur de lait, elle ne força pas sur le maquillage et s'écartait, ravie de son travail. En retour, Clelia poussa un soupir de soulagement et se leva. Elle ouvrit la porte et sursauta en voyant sa mère qui s'apprêtait à ouvrir elle aussi la porte. Dans la pénombre, la princesse aperçut une chevelure rousse qui se tenait à l'écart.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant