L'aube brumeuse du printemps recouvrait la terre. Son brouillard était transpercé par les timides rayons du soleil et s'étendait jusqu'à la lointaine terre de Thrace. Là où devait se trouver Sophia. Elle avait eu avec Tharros leur trois ans. La petite fille devait se rendre chez les Amazones afin d'être initiée et considérée comme telle par la suite. Et c'est là qu'elle découvrirait ses origines, qu'elle apprendrait à tirer à l'arc, monter et dresser les chevaux. Elle apprendrait à traquer une bête en ne se fiant qu'à son oreille. Un précieux enseignement, plus que l'écriture ou la lecture. Sophia découvrirait des valeurs qu'elle ne trouverait pas à Delphes.
Avec un soupir, Clelia se remémora sa propre arrivée en terres Amazones. Elle avait eu peur, ses femmes vêtues de peau de bête et hirsute, des armes dans les mains l'avaient fait pleuré. La jeune femme se souvint qu'elle s'était cachée derrière sa mère et Aédone. Puis on lui avait expliqué et présenté ses femmes qui étaient sa famille, celle qu'elle devait cacher pour la préserver de la folie des hommes. Et là, elle avait passé des années merveilleuses. Un havre de paix qui lui manquait tant. Elle espérait que sa fille le découvrirait elle aussi.
On lui avait proposé d'attendre son retour pour emmener elle-même Sophia chez les Amazones. Mais elle avait refusé. Clelia ignorait quand cette guerre cesserait pour de bon et elle ne pouvait repousser le séjour de sa fille chez elles. Le sang qui coulait dans les veines ne la ferait pas complémentent fille d'Artémis, il fallait que la princesse prouve ses capacités. Toutes celles qui échouaient étaient mal vues et ne participaient pas aux chasses ni aux guerres. Dans la vie d'une jeune Amazone, c'était crucial. Et il fallait que Sophia ait cette cicatrice, même si sa mère ne serait pas là pour y assister.
Clelia se détourna du paysage et continua sa promenade sur les créneaux. Les sentinelles ne la quittaient pas des yeux, pensant qu'elle manigançait quelque chose. Elle les ignora et avança jusqu'à faire face à la mer. En plissant un peu ses yeux, elle parvint à distinguer les nefs et les tentes. Aucun grec ne partirait, pas avant qu'elle ne tombe enceinte et ne donne l'enfant de la paix tant attendu. Cette idée obsédait grec comme troyen et tous avaient les yeux rivés sur son ventre désespérément plat. On essayait de l'amadouer pour qu'elle accepte Déiphobe dans son lit, et lui pour qu'il la prenne au plus vite. Mais des deux côtés, ils refusaient catégoriquement. Pour Clelia, c'était une bonne chose, elle gardait une chance d'annuler ce mariage par son conseil et suivait scrupuleusement les recommandations de sa mère.
Un vent encore froid souffla sur les remparts. La jeune femme resserra son himation avant de prendre l'escalier pour rejoindre le palais. Elle passa la rue principale qui s'éveillait puis rejoignit le palais entouré de ces propres murs. Elle sentit le regard curieux des gardes sur son dos. Peu après, ils iraient tout rapporter à Priam et Hécube. Ses habitudes étaient connus de tous, et malgré tout, on s'étonnait encore. Clelia n'avait plus la force d'expliqué ce qu'elle faisait, elle laissait les autres parler.
Les esclaves s'agitaient dans tous les sens, ils préparaient le premier repas de la journée. Clelia rejoignit le jardin pour observer ses cultures. Elle s'approcha du carré qu'elle s'était appropriée et qu'elle avait entretenu sans l'aide de personne. De toute façon, elle n'avait rien à faire ici, elle partageait son temps entre ses recherches en médecine et ses cultures. Ce n'était pas comme à Delphes où elle était sans cesse occupée, aussi bien dans la politique qu'au temple d'Apollon ou d'Héra.
Elle fréquentait rarement le gynécée ici, elle ne se sentait pas sa place et à part tisser ou discuter, ce n'était que perdre du temps. Elle regrettait simplement la liberté qui lui était enlevée entre ses murs. Les Achéens étant encore devant les portes Scées, aucun habitant de Troie ne pouvait sortir, Priam avait interdit cela et il refusait de prendre ce risque. Impossible de galoper ou même de marcher dans la forêt. La vie ne pouvait reprendre son cour, tous étaient encore bloqués. Tout cela à cause de la Grecque, murmuraient les troyens. S'ils savaient que dans toute cette histoire, elle était tout autant la victime des chefs Achéens qu'ils ne le pensaient. Tout cela parce qu'Agamemnon pensait qu'elle organisait une révolte contre lui.
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De Delphes toute puissante
Ficción históricaGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...