Chapitre 137 : Le banquet des vainqueurs

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Le palais était paisible et chacun vaquait à ses occupations. Sous l'insistance de Timia, Clelia avait abandonné son bureau et discutait au gynécée en compagnie de cette dernière, Andromaque arrivée avec son époux une semaine auparavant et Thysié. Sophia de son côté était occupée dans sa chambre, auprès de sa fille. Son jumeau était dans la sienne, en train de jouer son aulos. Desdémone était à la chasse, réticente à l'idée de rester au palais où se trouvait à présent son oncle.

C'était à peu près tranquille et Sophia se retint de somnoler quand elle termina de chanter sa berceuse, constatant qu'Elpis refusait de faire sa sieste et cherchait à tout prix à grimper sur le dos de Sidéro. Résignée, la jeune femme la descendit de son lit pour l'éloigner du loup agacé et la déposa sur un tapis recouvert de jouets et de coussins avant de s'installer à sa table de travail. Quand la reine ne travaillait pas, elle assurait toutes ses tâches pour la soulager. C'était bien sûr plus évident quand Elpis dormait ou qu'elle était avec Alopex. Mais sa sœur de lait était affairée ailleurs et Sophia n'avait pas envie de la confier à quelqu'un d'autres. Notamment parce qu'Hélénos qu'elle considérait comme un étranger était dans le palais, mais aussi parce que Loïmos s'y trouvait aussi. Et tant qu'il était dans les parages, elle ne pouvait pas rester sereine une seule seconde et était constamment sur ses gardes.

Elle jeta un coup d'œil sur sa fille en train de jouer puis commença ses tâches, contrôlant les dépenses du palais et de la cité, l'état des armées et surtout, des cités placées sous le contrôle de Delphes et ses alliés. L'échec cuisant avait découragé certains mais d'autres semblaient suffisamment en colère pour commencer déjà à se révolter et tenter de retrouver leur indépendance. Malgré la lassitude, quelque chose amusa Sophia. Peut-être parce que se figurer la possibilité de les humilier plus qu'avant, de briser toute leur fierté la satisfaisait. Ils en étaient morts de honte d'être soumis à une cité gouvernée par une femme, qui leur avait donné la raclée de leur vie. Si leur mère ne montrait rien, pas de satisfaction manifeste ou autre, c'était le contraire pour Sophia qui en était heureuse. Après tout, elle serait à son tour la maîtresse de la Grèce et elle deviendrait la femme la plus puissante de ce monde. Mais ce n'était pas pour maintenant et elle patienterait autant de temps que possible, rien ne pressait.

Sidéro assoupi sur le lit se leva soudainement et sauta vers la porte en grattant et gémissant. Peu rassurée par cette réaction soudaine du loup, Sophia se précipita vers son lit et trouva la dague qu'elle cachait sous son oreiller. Elle retira le fourreau et s'avança prudemment vers la porte. Sidéro grattait encore à la porte et elle décida d'ouvrier, resserrant sa prise sur sa dague.

Elle ouvrit sa porte et Sidéro bondit sur l'intrus. Ou plutôt, l'ancien habitant du palais qui revenait pour le banquet. Sophia soupira mais sentit la colère montée en regardant les gardes autour d'elle.

- Qui t'as laissé entrer ? demanda-t-elle à Andrios en rangeant sa lame dans son fourreau.

- Les gardes, qui d'autres ? Ils savent que je suis le prince.

- À titre purement symbolique, rectifia sèchement la princesse. Vous, cherchez-moi tout les imbéciles qui ne servent à rien et qui ne surveillent pas le palais.

Tharros sortit à son tour de sa chambre, d'abord prudemment puisqu'il avait Elpis avec lui. Puis voyant qu'il ne s'agissait que d'Andrios, il relâcha sa vigilance et salua avec un sourire son frère. Mais elle
jeta un regard d'avertissement à son jumeau, qui soit l'ignora volontairement, soit ne l'avait réellement pas vu. Car c'était lui qui était chargé de la surveillance du palais et qui donnait les ordres aux gardes tandis que Sophia s'occupait de tout ce qui concernait les affaires internes et externe à la cité.

Sophia regarda l'escorte qui accompagnait Andrios et lorgna un œil sur sa belle-sœur entourée de ses servantes et il descendit plus bas, happé par la proéminence naissante de son ventre. En quelques secondes à peine, un sentiment désagréable s'insinua en elle et la renvoya à quelques mauvais souvenirs qu'elle voulait à tout prix oublier.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant