Chapitre 112 : Infortunés exilés

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Le sable clair et fin d'Aiaia accueillit l'arrivée de Desdémone, fourbue. Elle se jeta à genoux sur le sable et ne cessa de se dire qu'elle était vivante. Épuisée, elle finit par s'allonger sur le dos et regarda le ciel couvert par les nuages et qui donnait un ciel blanc, un peu doré par les quelques rayons du soleil qui parvenaient à les percer avec une atmosphère qui devenait irréaliste. Pourtant, elle était là, vivante malgré les Enfers et la tempête en mer qu'elle venait d'essuyer au retour.

- Je vais finir plus pauvre que je ne le suis déjà avec tous ces sacrifices que j'ai promis, soupira-t-elle pour elle-même.

- Pourquoi tu es pauvre ?

À contre-jour, elle vit une silhouette au-dessus d'elle qui la regardait. Même si elle ne voyait pas le visage, elle reconnut la voix guillerette de Télégonos qui s'assit juste après sur le sable, en souriant. Desdémone le lui rendit puis fixa le ciel à nouveau.

- Je n'ai pas d'héritage contrairement à mes frères ou ma sœur, mon père ne m'a rien laissé. Et sacrifier un bœuf ou un mouton aux dieux coûtent très cher. Il faut donc que je me débrouille pour en faire. J'ai promis aux dieux protecteurs que je leur en offrirai, et j'y mettrai un point d'honneur. Et toi, qu'est-ce que tu fais ici ? Les nymphes ne te surveillent pas ?

- Je suis allée me promener sur la plage, je voulais aussi me baigner puis j'ai vu ton bateau. Je suis content que tu sois revenu, tu m'as manqué !

Il déposa un rapide baiser sa joue avant de sauter sur ses jambes et courut vers Chioné qui cherchait de quoi manger après ces jours de tempête.

En tentant de se lever, Desdémone sentit ses muscles perclus de douleur et de courbatures. Elle s'appuya sur sa lance pour se remettre debout et tiré Le Triton dans la grotte. Elle regarda son état et soupira. Lutter contre une tempête avait été plus dure qu'elle ne l'aurait cru mais elle était bien contente d'être encore en vie et de ne pas se trouver au fond de la mer. Elle avait encore beaucoup de choses à accomplir, et en premier lieu, les rénovations dont elle ignorait comment s'y prendre. Elle était bonne pour passer l'hiver à Aiaia avant de partir à Troie.

Les poissons changer en marins descendirent sur son ordre et conduisirent Le Triton dans la grotte pour le mettre à l'abris des intempéries avant qu'elle ne leur redonne leur première forme et ne se rende jusqu'au palais de Circé, Télégonos sur ses pas.

- Alors, tu es descendue aux Enfers ! C'était comment ? Tu as vu Cerbère et Charon ?

- Effrayant, glauque et triste, dit-elle en réprimant une grimace au souvenir du sourire et des dents noirs du nocher. Cerbère est terrifiant, bien plus que les lions de ta mère ou les loups de ma sœur. Et pour Charon, je n'ai pas envie de m'en souvenir, il me dégoûte. Que fait ta mère ?

- Elle est dans son officine, comme toujours. Et juste avant, Apollon est venu et ils ont parlé ensemble. La nuit dernière, c'était Artémis. Les dieux viennent beaucoup la voir mais je ne sais pas pourquoi. Je peux monter sur Chioné ?

Une autre grimace tordit les lèvres de la jeune femme qui souleva avec le peu de force qu'elle avait et ses courbatures Télégonos qui était maintenant très lourd. Elle pria aussi pour que la mauvaise humeur de Chioné ne l'enverrait pas à la seconde suivante sur le sol. Mais la jument sembla accepter ce cavalier sur son dos et se contenta d'avancer gentiment, pour une fois.

- Qu'est-ce qui était arrivé à ton bateau ? interrogea-t-il, bavard comme à son habitude.

- Une tempête en mer m'a surprise avant d'arriver ici, j'ai dû lutter et prier en même temps les dieux pour ne pas sombrer. J'ai vraiment cru que cette fois-ci, j'allais y passer.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant