- Clelia, c'est l'heure.
La jeune femme sursauta et se releva de son lit, s'étant assoupie. Timia venait d'entrer dans sa chambre, suivie par une esclave. L'intendante referma la porte et posa sur une petite table les affaires qu'elle tenait ainsi que la corbeille de pommes.
- Les invités se préparent, ajouta-t-elle.
Poussant un soupir à fendre l'âme, Clelia se débarrassa du turban qui enroulait ses cheveux mouillés. Il s'était écoulé deux mois depuis l'assassinat d'Éléos et l'idée de recevoir toutes ces personnes chez elle ne la ravissait pas. Son deuil était fini depuis un mois, malgré cela, elle ne parvenait pas à oublier sa mort. Chaque seconde était une véritable souffrance pour elle. Pire, elle revivait en cauchemar le fin d'Éléos qui agonisait dans ses bras, de ses derniers mots, des derniers instants. Elle n'oubliait pas Antipater et l'idée de venger sa mort l'aidait à vivre. Autrement, depuis bien longtemps elle aurait mis fin à ses jours. Les pires tortures s'imposaient à son esprit, elle voulait qu'il souffre comme elle avait souffert.
À peine quelques heures succédants à la mort du roi, on avait convoqué sa famille. Clelia était alors prostrée, personne ne savait comme agir avec elle, jusqu'à sa mère qui s'était trouvée dépasser par la situation. Elle avait cessé de pleurer, elle fixait le vide. Cela avait duré une semaine durant lesquels elle n'avait pas quitté ses appartements. Par mesure de précaution, on lui avait retiré toute arme et poison susceptibles de causer sa mort. Mais la semaine écoulée, elle avait quitté ses appartements et avait donné les premiers ordres. « Que l'on brûle ce lit, il est hors de question que je dorme dans le sang de mon époux. Et qu'on m'amène les imbéciles qui n'ont pas vu ce traître, ils seront exécutés» avait-elle ordonné. Il avait fallu la tempérer, les gardes étaient nombreux à ne pas avoir vu l'ancien conseiller et cela revenait à tous les tuer. À la place, on avait doublé le nombre pour la sécurité des jumeaux, aussi bien dans le palais que dans la cité, et en catastrophe, il fallut sacrer Clelia unique souveraine pour ne pas perdre en puissance.
Et puis les sacrifices faits avant son mariage et à leur couronnement les avaient prévenu, le foie était nécrosé, un malheur arrivait toujours, que l'on retourne ou pas l'organe. Elle en prenait conscience aujourd'hui. Par chance, le sacrifice fait pour savoir comment se passerait son règne lors de son propre couronnement n'était pas comme les autres, tout était normal. Peut-être régnerait-elle enfin en paix.
Malgré son ventre rond, Timia allait d'un bout à l'autre de la chambre pour se saisir de la cassette à bijoux. Plusieurs étoffes de soie étaient disposées pour qu'elle choisisse. Elle vit des étoffes bleues, pourpres, oranges et vertes, tous bordés de fil d'or ou d'argent.
- Tu devrais te reposer, argua Clelia en la voyant ainsi faire.
- Je vais très bien. Il faut se dépêcher, tu ne dois pas arriver en retard. Quelle couleur ?
Elle pointa du doigt le chiton orange. Timia tira le vêtement de la pile pendant que Clelia se débarrassait de son péplos. Aidée par l'autre esclave, la rousse lui passa le chiton aux manches courtes. Elle se saisit de fibules en argent et piqua l'aiguille dans le tissu pour retenir les manches avant de coiffer ses cheveux. Elle laissa retomber quelques mèches qui habillèrent les épaules de la jeune souveraine et entreprit de maquiller ses yeux d'une poudre d'or et ses lèvres de carmin. Enfin prête, Clelia put s'admirer dans le miroir. Au lieu de complimenter sa soeur de lait comme elle le faisait, elle poussa un long soupir de regret et commença à jouer machinalement avec les deux bracelets d'or, toujours à son poignet.
- Si je le pouvais, personne ne serait venu, confia Clelia d'une voix éteinte.
- C'est pourtant impossible, le sanctuaire est indépendant des volontés des souverains. Mais ils ne resteront pas longtemps, ne t'inquiète pas. Ensuite, tu pourras te consacrer à ta vengeance, le peuple te soutient et t'a pris en pitié, il te soutiendra mieux que quiconque.
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De Delphes toute puissante
Fiksi SejarahGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...