Chapitre 63 : Le plus profond des désespoirs

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Achille faisait les cent pas dans sa tente. Il n'était pas serein. Il venait maintenant à regretter d'avoir laissé Patrocle revêtir sa cuirasse et porter ses armes à sa place. Il n'était pas un bon guerrier, et il suffisait de le transpercer d'une flèche dans le cœur avant qu'il ne succombe. Il ne fallait pas que Patrocle meurt. Il devait vivre, vieillir à ses côtés et mourir avec lui. Il avait commis une terrible erreur, et les remords s'empara de lui. Son instinct lui criait le malheur.

Dans un sursaut d'angoisse, il s'arrêta de marcher. Il n'était peut-être pas trop tard, il pouvait lui éviter la mort. S'il se pressait, il pourrait préserver son amant d'une blessure mortelle. Il n'était pas trop tard, il pouvait le trouver pour...

Mais il se rendit compte que le temps s'était écoulé entre le départ de Patrocle de la tente et maintenant. Au moins une heure. Et il pouvait se passer tellement de chose, en une heure. Il avait perdu ses précieuses minutes à trop tergiverser. Il aurait dû écouter son instinct et retenir son amant avant qu'il ne s'en aille. Et si c'était trop tard ? Et si le pire était arrivé ?

Ces questions le rendaient presque fou. Il mourrait d'envie de quitter sa tente et de courir sur le champ de bataille pour lui crier de revenir. Et il allait le faire maintenant, il lui éviterait la mort. Il devait se presser. Il s'élança jusqu'à l'entrée mais s'arrêta net en voyant son tuteur, Phénix entrer. Achille le dévisagea. Le vieil homme ne semblait pas surpris de le voir ici. Quelque chose de funeste flottait dans l'air. Achille était incapable de prononcer un seul mot, il avait la gorge trop serrée pour le faire. Il avait si peur. Et le visage morne de son tuteur ne le rassurait pas.

- On t'attend, Achille... c'est important. Viens maintenant, je te pris.

Il hésita d'abord. Il avait peur de découvrir quelque chose d'affreux. Pourtant, il se décida à le suivre, avec une détestable impression que le pire allait arriver. Son ventre se serrait à lui faire mal. Il avait si peur découvrir le pire. Il espérait que rien de grave n'était arrivé...

Phénix avançait le dos courbé, comme accablé par quelque chose de terrible. L'appréhension s'emparait d'Achille, une atmosphère lugubre s'était répandue sur le campement. À son passage, on l'évitait ou alors on baissait les yeux, personne ne disait un mot. Ce ne fut que devant un attroupement composé par les chefs de chaque cité que le brouhaha de voix s'élevaient, discutant avec animation. Personne ne le voyait venir et il préféra écouter un peu avant de signaler sa présence.

- Non, imbécile, s'énerva Machaon en s'adressant à Ajax le Petit, on ne peut pas ressusciter un mort ! Surtout pas avec un cœur qui a été transpercé...

- Il faut trouver une solution, ou nous serons tous morts... Peut-être le chercher dans les Enfers...

Un rire qui sonnait faux rentit. Tous se tournèrent vers Clelia, amère et le corps tendu. Comme tous ici.

- Si seulement c'était aussi simple de descendre dans les Enfers, tous, à la mort d'un être cher serait descendu aux Enfers pour le faire, mais ce n'est pas le cas. On ne peut plus rien faire pour lui, je le regrette sincèrement. J'avais beaucoup d'estime pour lui, mais les morts appartiennent à un autre monde. Il faut maintenant savoir qui aura la délicate tâche d'annoncer cette nouvelle.

- Je lui donne raison, renchérit Ulysse en prenant parti pour elle. Il n'y a plus de retour en arrière, et il faut que nous sachions qui lui apprendra la nouvelle.

- Apprendre quoi ? questionna Achille en s'éclaircissant la voix.

Tous sursautèrent et se tournèrent lentement vers lui. Comme les soldats avant eux, personne ne cherchait à rencontrer son regard. Cette assemblée se scinda doucement et au centre du cercle qu'ils composaient juste avant, le Myrmidon distingua un corps couché et recouvert par un drap blanc pourtant ensanglanté.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant