Chapitre 40 : L'ultimatum

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Entre la mer de voiles plus blanche que les nuages, une bande de sable se détachait de l'horizon. Des cris s'élevèrent dans le ciel, à la fois de joie et de guerre. Enfin les côtes troyennes, la Troade était à eux. Les fiers remparts se détachèrent à mesure que les nefs évoluaient sur l'eau.

Clelia entendit ces cris en désapprouvant. La mort d'Iphigénie la hantait encore. Artémis l'avait-elle vraiment vengée comme elle le voulait ? Elle espérait que non. C'était elle qui avait mis au monde l'aînée d'Agamemnon et elle l'avait vu plusieurs fois lorsqu'elle était venue accoucher des quatre autres frères et sœurs. La pauvre enfant n'avait que onze ans et elle avait été dupée par son propre père. Et Iphigénie n'était pas la seule dans cette histoire, Clystemnestre, Achille et elle aussi. Tous avaient cru à ce mariage, et pourtant, le contraire c'était produit.

Dans le vent, elle crut entendre à nouveau les cris de Clystemnestre. Un frisson parcourut sa peau et fit hérissé ses poils. Elle avait maudit son époux, elle lui avait juré qu'à son retour, il paierait la mort de sa fille. En guise de réponse, Agamemnon avait rétorqué : « Nous avons déjà Électre, Chrysotémis et Iphianasse, elles remplaceront Iphigénie. » Et pour ne rien arranger, dès que son épouse avait tourné le dos pour reprendre le chemin de Mycènes, le roi des rois s'était enfermé dans sa tente pour pleurer la mort de sa fille chérie. « Elle commence bien, cette expédition », chuchotèrent les soldats avant d'embarquer. Sans compter les difficultés pour naviguer, des tempêtes que les Achéens - nom décidé par le général en chef - avaient connu et les maladies qui les avaient forcé par moment interrompre leur chemin pour trouver du repos sur une île, parfois inhospitalière. Le dieux étaient contre eux, c'était indéniable.

Les capitaines hurlèrent leur ordre. Une cacophonie brisa le silence et les voix se confondirent ainsi que les ordres. Les marins hésitaient quelques secondes avant d'obéir. Il était de temps d'accoster pour mettre à sac cette impudente cité aux princes corrompus. Reprendre Hélène et les richesses qui allaient avec. C'était tout ce qui comptait.

Clelia se détourna de la plage et descendit dans la cale. Ses hommes étaient impatients de mettre pied à terre après des semaines de navigation. Ils remettaient leur cuirasse, prêts à en découdre avec les troyens. La souveraine évita de faire une remarque à ses hommes. Elle préféra se laisser happer par l'obscurité de la cale et se laissa guider par ses sens. Elle trouva Pistos allongé sur le sol, toujours en proie au mal de mer. Il gémit légèrement quand Clelia l'appela.

- Nous ne combattrons pas, expliqua-t-elle après qu'il se soit éveillé. Vous serez en dernière ligne, le plus loin possible des troyens. Moi, je rejoindrai les rois en première ligne, comme tout les chefs de guerre. Tu commanderas les hommes à ma place, vous devez protéger les nefs, et surtout les nôtres, elles sont notre seule chance de rentrer. Tu comprends ?

- Mais c'est notre devoir de nous battre et de t'accompagner, je...

- Ce n'est pas notre guerre, je ne sacrifierai pas mes hommes inutilement, pas pour les beaux yeux d'une femme. S'il te plaît, Pistos, commande-les pour moi et ne quitte pas la dernière ligne, sous aucun prétexte.

Il hésita un long moment, pesant le pour et le contre avant de hocher la tête. Sa cousine soupira, soulagée avant de l'aider à se relever. Il fallait se préparer, les nefs allaient accoster d'une minute à l'autre. Elle le soutint jusqu'au pont où elle le laissa aux soldats avant de revêtir sa cuirasse. À chaque coup de rame, les nefs avalaient des distances importantes et rapprochaient de la plage. Pourtant, une armée les attendait, menaçante. Elle se tenait à une distance respectable de l'eau et patientait. Il était impossible aux nefs de rebrousser chemin, la manœuvre était trop compliquée et risquée, ils se rentreraient tous l'un dans l'autre, causant sans peine des dégâts sur les coques.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant