La lumière déclinait et l'écriture fine sur le papyrus devenait moins lisible. Sophia regarda le soleil qui commençait à se coucher et qui emportait la lumière. Il n'y avait pas d'esclave dans sa chambre, encore moins Alopex qui était occupée dans les cuisines. Difficilement, elle quitta son siège et sentit son dos lui faire mal. Elle chercha la lampe à l'huile ainsi que le silex pour faire du feu en le tenant le plus loin possible de son ventre de huit mois.
Une étincelle toucha la mèche et elle reprit sa place pour continuer sa lecture, sur son siège débordant de coussins destinés à soulager ses maux de dos de plus en plus nombreux à mesure que sa grossesse se poursuivait. Elle se demandait encore comment cet enfant ou son corps avaient pu faire pour continuer aussi longtemps après tout ce qui était arrivé, malgré les horreurs qu'elle continuait à lire chaque jour pour garantir la vie qui grandissait en elle.
Sa main se posa à l'endroit où le coup lui fut donné. La petite chose qui grandissait n'était pas très énergique, elle bougeait peu. Parfois, elle se demandait si elle continuait encore à vivre. Certaines matrones disaient qu'il valait mieux épargner toute nouvelle désagréables aux femmes enceintes pour éviter que le pire n'arrive. Et jusqu'à maintenant, tous le monde dans son entourage s'employait à lui épargner la réalité. Personne ne se doutait qu'elle était finalement au courant de tout ce qui se passait et que depuis la tentative d'assassinat contre Andrios, son quotidien était presque exclusivement composé par des émotions et un dégoût de plus en plus grand de la politique et tout ce qui la liait.
Elle roula la feuille quand elle eut fini de lire et regarda la dernière qui lui restait. Avec lassitude, elle la prit et ses yeux parcoururent rapidement les lettres tracées. C'était la même chose que celle qu'elle avait lu avant. Elle approcha le document de la flamme de la lampe et la laissa brûler sous ses yeux, fatiguée. Mais elle se sentait mieux maintenant qu'elle avait réalisé cette longue investigation qui serait la garantie de la vie de son enfant.
Elle toucha une nouvelle fois son ventre et s'attarda pour essayer de sentir le cœur battre. À la place, un coup lui répondit et un petit sourire triste étira ses lèvres. Depuis le début de sa grossesse, tout le monde s'immisçait et se mêlait de ce qu'il fallait faire ou pas. Le conseil et les esclaves qui s'occupaient des chambres avaient guetté les premiers mois la moindre goutte de sang suspecte, dans le cas où elle déciderait de ne pas la poursuivre, sans prendre compte le risque de fausse-couche. C'était d'ailleurs ce qu'avait redouté sa mère au début. Puis finalement, tout c'était bien passé, elle avait eu la chance de ne pas connaître de nausées matinales. Mais entre temps, elle était retombée dans la faim excessive et le besoin viscéral de se faire vomir pour aller mieux. Thysié l'avait vu et dès lors, elle avait recommandé un régime riche en viande pour qu'elle puisse survivre à la fin de cette grossesse. La médecin l'avait même menacé de sa présence lors de ses repas et aux heures suivantes pour être sûre qu'elle se nourrissait bien et qu'elle ne se ferait pas vomir.
Un soupir franchit ses lèvres et aussitôt, elle pensa à son jumeau qui depuis l'annonce, ne lui avait plus adressé un seul mot, encore en colère contre elle. Il avait demandé à être affecté à la surveillance des environs de la cité, pour passer le moins de temps possible au palais. Pourtant, quand il avait appris qu'elle avait vomi et la recommandation de Thysié, il avait fait parvenir un sanglier qu'il avait tué. D'Alopex, elle savait que chaque jour il se renseignait sur son état et cherchait à savoir si Loïmos était dans les parages. Andrios, malgré ses problèmes et sa blessure, prenait aussi le temps de lui envoyer une lettre chaque mois pour prendre de ses nouvelles. Mais jamais il ne parlait de Phiaros, il l'évoquait le moins possible. Enfin, leur mère faisait son possible pour la ménager et s'était arrangée pour envoyer le plus loin possible son gendre, le temps que le terme arrive.
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De Delphes toute puissante
Historical FictionGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...