Sur la tapisserie, le visage de cet Apollon rappelait quelque chose à Agamemnon. Il se tourna vers le roi thébain et scruta son visage. Ce n'était pas lui sur cette tapisserie, les traits de Hégémon avait quelque chose de dure plus dure que ceux de l'Apollon. Il se doutait qu'il ne s'agissait que du défunt roi, Éléos. En repensant à son voisin désormais mort, la bouche du roi des rois se tordit en un rictus moqueur. Il savait que la mort du blond avait dévasté son épouse, Clystemnestre le lui avait dit par mégarde, et c'était visiblement encore le cas.
- Ta belle-mère tarde à venir, fit remarquer Diomède à Hégémon. Elle ne devrait pas être si occupée que cela...
- Crois-moi, il vaut mieux ne pas chercher à voir la reine Terpsis maintenant. Tu ne sais pas ce qu'elle est capable de nous sortir à propos de cette expédition. Elle nous rirait au nez. Encore heureux que ce n'est pas mon épouse en personne, j'ai entendu dire qu'elle est d'une humeur massacrante ces derniers temps.
- À cause de son nouveau surnom ? se moqua Ulysse. Je crois en effet que tu ne devrais pas l'énerver, elle est la terreur de son ennemi désormais. Qui aurait cru que cette femme irait si loin...
Ulysse se promena dans la salle du trône, un léger sourire aux lèvres. Il passa devant le prince troyen envoyer en ambassade. Déiphobe lui lança un regard plein de haine. Il pensait que personne ne songerait à venir demander l'aide de la reine de Delphes, mais maintenant, il serait plus compliqué de convaincre la jeune femme.
Une clameur se répandit dans la rue. C'était des cris de joie. Un nom revenait sans cesse, scander avec fierté. Intrigués, les rois grecs s'approchèrent de la fenêtre donnant à la rue. Ils virent un panache pourpre progressé difficilement dans les rues, retenu par des habitants fous de joie.
- À ce que je vois, ta sanglante épouse est enfin ici, confia en souriant Agamemnon à son voisin.
Celui-ci blêmit. Il ne savait s'il devait la craindre ou pas, les rapports de son général l'avait grandement inquiété, notamment sur les punitions qu'elle infligeait à ses adversaires. Mais il la craignait davantage à cause de ce différend sur leur fils. Elle lui vouait une haine viscérale et lui avait confié avant qu'elle ne revienne chez elle qu'il était hors de question qu'elle revoit son visage. Il appréhendait sa réaction.
- Ce trône est intéressant, lança soudainement le mycénien en montant les quelques marches. Je pense qu'après la guerre contre Troie, je la déclarerai aussi à Delphes, c'est une bien trop belle cité pour une femme.
Il s'assit sur le trône, tous le regardaient sans pour autant approuver l'acte.
- Je te conseille d'ôter ton répugnant derrière de mon trône, menaça une voix féminine. Ici, tu me dois le respect.
Tous se retournèrent vers la voix. Clelia avait changé de tenue, elle portait un chiton bleu nuit, une couronne de laurier en or déposée sur ses cheveux savemment coiffés. Ils s'affrontèrent du regard un instant. Agamemnon pensa que son hôtesse baisserait les yeux devant lui mais non, elle continuait à le regarder, le foudroyant de son regard émeraude. Le mycénien finit par abdiquer et descendit du trône en serrant les mâchoires alors que sa rivale réinvestissait sa place, suivie par sa mère.
Elle ignora d'abord les souverains étrangers en passant avant de les toisa, la tête haute. Une fois installée sur son trône, elle, les observa un à un.
- Diomède, Ulysse, Agamemnon, Ménélas, Déiphobe et toi, énuméra-t-elle.
Elle évita de prononcer son nom. Contrairement à ce que pouvait penser les autres rois, la jeune femme n'était guère ravie de voir son époux. D'ailleurs, elle lui montra tout son mépris par son attitude dédaigneuse. Hégémon se sentit mal à l'aise et ne savait que faire. Pourtant, elle se désintéressa bien vite de lui et se tourna vers les deux frères et afficha un petit sourire moqueur.
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De Delphes toute puissante
Historical FictionGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...