De Delphes toute puissante

Chapitre 48 : Celle qui craint les dieux

Le soleil irradiait dehors. Ses rayons rencontrèrent la peau de Clelia qui émergeait lentement de l'épais brouillard. Elle avait l'impression d'avoir dormi des siècles, ses sens étaient mis en sourdine et sa tête était si lourde sur ses épaules. Elle battit des paupières, aveuglée par la lumière et tourna la tête. Elle vit une esclave qui s'affairait dans sa chambre, dos à elle et en train de chantonner.

- Où suis-je ? demanda-t-elle d'une voix pâteuse.

Elle avait l'impression d'avoir bu trop de vin. Sa tête lui faisait mal. Cela ne s'arrangea pas quand elle entendit la voix aiguë de Lara.

- Je vais prévenir le prince, il est inquiet.

Sans même la retenir, l'esclave partit et la laissa seule. Elle ne comprenait plus rien, elle se sentait perdue. Elle se rappela seulement du duel entre Hégémon et Déiphobe, et de son accouchement. Soudain, elle se mit à craindre pour la vie de son époux. Et s'il était mort ?

Elle vit la porte se rouvrir sur Déiphobe, le visage ravagé par l'angoisse. Sans comprendre, elle reçut un baiser de soulagement et une prière adressée aux dieux. Dans la foulée, Thysié arriva, tenant un coffre dans ses mains. Le reste de la famille arriva et de posta devant la porte, avec des murmures de soulagement.

Alors qu'elle tentait de se redresser afin de s'asseoir, une vive douleur entre ses jambes l'envahit et la paralysa sur la seconde. Elle poussa un grognement qu'elle étouffa aussitôt. Thysié s'approcha et posa sa main sur son front avant de l'observer attentivement. Ses gestes étaient assurés et digne d'un médecin. Clelia se laissa faire, complètement perdue. Elle ne comprenait plus rien.

- Tu te sens bien ? questionna Thysié.

- J'ai une migraine affreuse et j'ai l'impression qu'on m'a déchiré mon bas-ventre. Je ne me souviens de plus rien. Que s'est-il passé ?

La princesse se tourna vers son frère et sa famille et se mordit les lèvres, hésitante, avant de se lancer.

- C'est à cause du pavot que je t'ai donné, pour te soigner. La tête ne passait plus, j'ai été obligée d'inciser l'entrejambe pour que ta fille vive et toi aussi. Tu as perdu connaissance et ensuite, tu as été prise par la fièvre, tu délirais. Ça a pris du temps pour que tu guérisses et j'ai dû te maintenir endormie pour prodiguer tes soins.

Les paroles de Thysié faisaient peu à peu sens dans son esprit. Elle parvenait à se rappeler les difficultés de son accouchement et des forces qu'elle perdait alors qu'elle tentait désespérément de mettre au monde son enfant. D'ailleurs, Thysié avait parlé d'une fille.

- Elle est vivante ?

Sans répondre, Déiphobe ordonna à l'esclave de s'en aller. Quelques secondes plus tard, Lara revint avec un enfant emmailloté qui geignait un peu. Elle la lui tendit et Clelia put voir son petit visage. Elle avait les yeux mordorés de son père. Une fois entre ses bras, le nourrisson se calma et de ses yeux dorés sa mère avant de les clore et de s'endormir paisiblement.

- J'ai pris la liberté de lui donner un prénom, nous ne pouvions attendre ton réveil. Elle s'appelle Desdémone, princesse de Troie et enfant de la paix. J'ai préféré rappelé aux autres que ses parents ne pillent pas les temples, et puisqu'elle sera forcément prêtresse... 

- C'est parfait. Que disent les dieux sur son avenir ? Quelle est l'issue du duel ? Et les hommes d'Agamemnon, sont-ils enfin partis ?

Déiphobe resta bouche ouverte. Il n'avait pas pensé à interroger un devin sur l'avenir de sa fille, il était davantage préoccuper pour son épouse restée inconsciente jusqu'à maintenant. Et la voir s'informer aussi rapidement sur la situation malgré son récent réveil le prenait de court. Il s'attendait à la voir épuiser et ne désirer que le repos dont elle avait besoin. Il n'était pas le seul à être surpris, les autres l'étaient tout autant. Pourtant, Priam se décida à parler.