Il était enfin revenu, après deux ans. Sa gorge se noua en se rappelant les événements datant d'il y a deux ans. L'annonce qui avait ravi la noblesse mais qui avait plongé la famille régnante dans un effroyable silence. Il était parti peu après pour oublier ce qu'il s'était passé et pour mettre autant de distance que possible. Il avait commis l'erreur de sa vie et il ne voulait pas y repenser. Mais après avoir passé les remparts de sa cité de naissance, celle qui avait fait sa renommée, il n'avait plus vraiment le choix. Il serait poursuivi toute sa vie, bien malgré lui.
Après une grande inspiration, Phiaros reprit son chemin, se détournant de la villa qu'il avait rénové sur la demande des deux Éléoïdes. Il progressa dans la rue sans se presser, un poids se logeant dans son estomac venait également l'accabler. Il n'y avait pas plus fou et stupide que lui pour revenir ici alors qu'il s'était juré le contraire. Mais à cause de son impulsion... Il voulait la revoir. Voilà pourquoi il avait entrepris ce voyage. Mais simplement la revoir, l'entr'apercevoir le temps d'une seconde, capturer son visage de déesse quand elle se rendrait au Musée pour vénérer les Muses ou au temple d'Apollon. Savoir comment elle allait. Aux dernières nouvelles, il ne se doutait pas qu'elle ne pouvait ne pas aller bien, elle semblait être d'aplomb. Mais il l'avait suffisamment connu dans son intimité pour savoir que derrière cet air fier et arrogant se cachait une personne fragile et en doute perpétuel, qui avait besoin d'être rassurée et complimentée. Et après ce qu'il s'était passé à Sparte, il voulait voir de ses propres yeux.
Il se décala quand il vit une charrette transportant plusieurs jeunes filles et des paniers de linges passer dans la rue. Les mules trottaient et la conductrice, au lieu de prendre en compte la gentillesse des passants qui s'écartaient pour la laisser, n'avait aucune vitesse et laissait les mules marcher le plus doucement possible. Il constata que la conductrice était avachie sur le banc, jouant mollement avec son fouet, sans répondre à la moindre salutation qui lui était adressée.
- Pas étonnant qu'elle prenne autant de temps, murmura une matrone derrière lui.
- Ses noces sont déshonorantes, la pauvre enfant a déjà perdu la totalité de sa famille à cause du grand-père et voilà qu'elle épouse le fils de l'homme qui nous a attiré des problèmes, maudit une autre. Ah pauvre fille ! Si elle était la mienne, j'en serai morte de honte pour elle ! Ce qui lui reste de famille n'a soit pas de cœur, soit doit mourir d'indignation pour elle ! Vraiment, elle a tant de courage et d'abnégation !
- La faute revient à son tuteur. En plus, il insiste alors qu'il parait qu'elle est incapable de concevoir, elle serait stérile. Une telle union n'offrira rien d'intéressant, il aurait mieux valu qu'elle reste célibataire toute sa vie et soit dévouée à sa famille comme elle l'a toujours fait !
C'était une noble de la cité ? s'interrogea-t-il en regardant la silhouette de dos le dépasser. Les femmes devaient parler d'une des filles dans la charrette et de ses prochaines noces qui se concluraient. Mais il n'était pas venu pour espionner des commérages de bonnes femmes. Il devait aller au palais.
Il bouscula quelques personnes, le cœur serré et les mains moites. Ce qu'il allait faire était stupide. S'il était reconnu, ils allaient soit le lapidé, soit le castré. Mais dès le début, il n'avait agi que par stupidité. Sinon, il n'aurait pas couché avec une princesse et dès le début, il aurait repoussé ses avances et tenter de la raisonner. Mais il avait été faible et surtout, sur le moment, il s'était senti flatter d'une telle attention. Puis il s'était rendu compte que c'était un cadeau empoisonné et avait essayé de l'oublier. Mais...
Il resta pétrifié quand il pénétra la cour du palais. Il observa les esclaves qui semblaient ne pas se préoccuper de lui, occupés à leur tâche quotidienne. Inconsciemment, il esquissa un pas pour entrer dans le palais mais s'arrêta net quand un garde lui barra le chemin avec sa lance et se montra menaçant.
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De Delphes toute puissante
Historical FictionGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...