Le long du chemin, les soldats avançaient et des cavaliers établissaient la liaison entre les troupes qui ouvraient la marche et ceux la fermant pour donner les directives et informer par la même occasion les chefs d'expédition.
Sur la colline surplombant le chemin, Clelia regarda ses hommes cheminer, le ventre et la gorge serrés par l'angoisse. Ses mains sur les rênes étaient moites et elle ferma un instant les yeux, dans le fol espoir d'un rêve dont elle se réveillerait. Mais à la place, elle vit toujours ses soldats marcher avec lourdeur. Si seulement Oreste ne l'avait pas forcé à agir, si seulement la découverte de l'Omphalos qui avait été traduit comme une volonté des dieux de faire la guerre n'avait pas paru être un motif et un signe supplémentaire.
Le défilé qu'ils traversaient rendait Clelia encore plus anxieuse et préoccupée. Les troupes avançaient trop lentement à son goût, ils devaient accélérer la cadence. Ils étaient en territoire ennemi, raison de plus pour ne pas se sentir confiante.
- Nous allons nous faire massacrer d'une seconde à l'autre, souffla-t-elle en sentant Pistos près d'elle.
- Impossible, nous le verrions et si c'est le cas, nous les mettrions directement en pièce, réfuta-t-il. Respire. Tout ira bien, c'est une expédition punitive et quand nous serons de retour à Delphes, Timia aura déjà trouvé toutes les histoires compromettantes à propos des conseillers. Plus personne n'osera contester ton trône ou tes décisions.
Malgré ses paroles rassurantes, elle secoua la tête et continua d'observer avec une inquiétude grandissante ses troupes marcher. Le rythme du aulos n'était pas assez rapide à son goût, et en plus, il jouait mal, habituée à entendre mieux lorsqu'Éléos et leurs jumeaux l'utilisaient.
- Va voir la princesse Sophia qui conduit les troupes et demande-lui d'accélérer la cadence. Dis la même chose à la princesse Desdémone qui ferme la marche et au prince Tharros qui manœuvre au milieu. De quoi as-tu peur ? questionna enfin Pistos après avoir éloigné le soldat chargé de veiller sa reine.
- De tout, murmura enfin Clelia avec une terreur et un affolement qui surpris son cousin. J'ai peur de ce qui nous attendra. Mes pressentiments ne m'ont jamais trompé. Ce que je ressens, c'est exactement la même chose que les minutes qui ont précédé la mort d'Éléos. Je suis en train de conduire mes soldats, mes enfants et tous ceux à qui je tiens le plus vers la mort. J'ai demandé à Timia de chercher ses informations mais si on la tue à cause de ça ? Ceux à qui j'ai attribué le temps de mon absence les pouvoirs sont des traîtres qui complotent derrière mon dos. Pistos, j'ai le tare d'être une étrangère et d'appartenir à une famille qui fait trembler de terreur toute la Grèce, j'ai commis des massacres. Mais quand il y a justement trop de terreur, les gens se mettent en colère et se révoltent. À mon retour, on serait capable de m'assassiner, de tuer Elpis. J'ai laissé Elpis sans proche en qui j'ai confiance, on va exterminé le sang d'Onchos...
Il l'arrêta en secouant brutalement son épaule et la regarde longuement sans dire un mot. Clelia respirait trop vite et elle constata les yeux effarés de son cousin qui l'entendait pour la première fois de sa vie remettre en question toute ses actions.
- Si tu n'étais pas ma reine, je te giflerai pour te faire reprendre tes esprits, lâcha-t-il après un long silence. Tu es la reine par la grâce d'Apollon, peu importe les origines de tes ancêtres. Tu n'es pas la première avoir commis des massacres et tu ne seras pas la dernière, c'est la guerre et c'est ainsi. Tu le sais mieux que quiconque. Pour Timia, elle n'est pas une idiote, elle a toujours su être discrète et si elle sent que c'est risqué, elle arrête et elle attend. Elle a des yeux et des oreilles partout, elle saura trouver comment faire tomber ceux qui te tiennent tête. Quant à Elpis, elle n'est pas seule, Sophia et Tharros ont pris leur disposition, toi aussi. Elle se trouve dans leur villa et ils ont payé grassement des soldats pour qu'ils ne laissent entrer personne d'autre que Timia, Alopex et Euterpe. Ressaisis-toi ! Ces hommes comptent sur toi, ils sont là pour venger l'affront que tu as essuyé. Ils sont là pour toi, ils l'ont toujours été, lors de la campagne contre Antipater, à Troie et aujourd'hui.
VOUS LISEZ
De Delphes toute puissante
Historical FictionGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...