Chapitre 96 : La flèche d'or dans le cœur

70 7 38
                                    

Exténué par sa longue nuit de garde, Tharros regagna avec son compagnon de veillée la caserne où il officiait depuis son arrivée. Il réprima un bâillement et alla poser ses armes à l'armurerie avant de rejoindre le dortoir pour espérer quelques minutes de repos avant d'entendre hurler l'instructeur.

Les autres dormaient encore et il prit garde à ne pas se faire trop bruyant pour ne pas s'attirer leurs foudres. Il se délesta avec soulagement de son linothorax et se jeta sur sa couche infestée par la vermine. Malgré sa répulsion, l'envie de retrouver un lit prima sur son dégoût et il s'y jeta avec un soupir d'aise. La morsure des punaises et des puces lui semblaient dérisoire et il commença à sombrer dans le sommeil. Puis un bruit assourdissant le fit sursauter alors que l'instructeur hurlait pour les réveiller, en les traitant au passage de fainéants.

- Ô dieux, soupira Tharros en enfouissant sa tête entre ses bras.

- On va jamais avoir une vraie nuit de sommeil ici, maugréa à côté un des éphèbes, le fils d'un noble.

- Respecte-nous, répondit à la place le compagnon de garde de Tharros. Tu n'es pas resté debout toute la nuit pour surveiller le port contrairement à nous.

- Il serait peut-être temps d'abuser de ton titre de prince, intervint un autre qui ne parvenait pas à se lever de son lit. Tu es mille fois plus important que le maître, tu peux lui demander de nous laisser dormir encore un peu. C'est pour la bonne cause, et puis tu viens de finir ta ronde.

- Si ça pouvait être si simple, je ne m'en serais pas privé. Mais l'instructeur a reçu des ordres formelles, aucun traitement de faveur à mon égard. Même si je le menace, il ne cédera pas et me remettra à ma place.

Un concert de soupirs désespérés s'éleva dans le dortoir. Tharros eut malgré lui un léger rire en les entendant si dépités. Personne n'avait envie de se retrouver nu comme un ver et couvert de sable après avoir lutté, et encore moins se donner des coups de poing. Leur désir ne tenait qu'à un seul un mot : dormir.

- Et puis merde ! Tant qu'à faire, soupira le fils de noble. J'ai horriblement faim, c'est insoutenable !

- Il ne fallait pas insulter l'instructeur alors qu'il se trouvait encore dans les parages, rappela le jeune homme. Et encore, tu as eu de la chance, certains instructeurs punissent au fouet. Sans nourriture pendant une semaine, ce n'est pas si terrible. Tu y survivras.

- Si ce n'est pas si terrible que cela, alors passe-moi tes repas.

- Tu peux toujours rêvé.

Il ne s'attarda pas et se leva enfin de son lit en s'étirant longuement et regretta de ne pouvoir dormir comme il le souhaitait. Mais il commençait à s'habituer à ses privations et à cette vie moins raffinée et soignée qu'au palais. La nourriture n'était certes pas toujours celle qu'il espérait, mais il parvenait à trouver des compléments en chassant et déterrant des racine, avantagé par ses connaissances. Entre temps, son corps changeait, influencé par l'environnement dans lequel il évoluait. À force de devoir tenir son bouclier et ses armes, ses bras étaient bien plus musclés qu'avant. Il endurait également bien mieux la fatigue, même si son corps lui faisait ressentir par moment le manque de repos. Il parvenait toutefois à l'occulter pour se concentrer sur autre chose.

Il lui arrivait toutefois de regretter le palais dans cet univers bien loin de ce qu'il connaissait avant. Il détestait les puces et les punaises de lit qui laissaient des marques sur sa peau et le démangeaient. Pas d'esclave pour le baigner et l'enduire d'huile, pas de repas longuement préparer. Si éloigné de l'atmosphère plus féminine et raffinée dans laquelle il vivait jusqu'à maintenant. Ici, c'était tout le contraire ; les manières trop soignées n'étaient pas méprisées mais plutôt moquées,  un excès de sensiblerie assimilé aux femmes. C'était viril et brutal à souhait, les commentaires que se lançaient entre eux les éphèbes étaient graveleux et les insultes tout autant. Bien loin du palais et des règles imposées par sa propriétaire.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant