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Avant les cours de Cinéma. 7h54.

Un petit vent d'octobre souffle sur la ville. Le soleil, quoiqu'un peu dissimulé par les nuages, éclaire encore très bien les lieux.

Je suis rapidement accueillie par mes amies quand j'arrive devant l'établissement. Elles viennent me témoigner tout leur soutien :

— Ça te fait encore mal ? s'inquiète Mégane en voyant la trace des coups qu'il me reste sur la joue.

— Non ça va, j'ai des bleus mais la marque va disparaître. J'en ai aussi deux ou trois sur le corps, mais bon ça va.

Elle se mord la lèvre de compassion et suggère :

— Tu aurais peut-être dû mettre encore plus de maquillage, ça se voit encore.

— Non je veux qu'Ethan le voie, c'est un peu sa faute après tout, si j'ai ça.

Laetitia ne paraît pas convaincue :

— Pas tellement en fait, c'est toi qui as décidé d'aller dans le parking. Je sais bien que t'es hyper-sensible et que tu réagis aux situations stressantes ou révoltantes, mais quand même faut que tu fasses attention.

Deux mecs qu'on connaît passent derrière moi, puis nous reconnaissant viennent nous saluer.

— Hey qu'est-ce que tu t'es fait ? lâche l'un d'eux après m'avoir fait la bise.

— Rien je me suis fait mal. Tu sais si Ethan est arrivé encore ?

— How, je ne vais pas aller chercher le pit-bull pour me faire mordre.

Ils repartent en souriant, et je balaye des yeux l'endroit, à la recherche d'Ethan. Mais je n'ai pas grand espoir de l'apercevoir. Et rien ne dit qu'il voudra me parler devant les autres.

J'amène Laetitia un peu à part et lui demande :

— Alors tu crois qu'ils vont finir par me trouver, les policiers, pour ce qu'il s'est passé dans ce parking ? J'ai trop peur qu'ils viennent frapper chez moi un jour. Je suis une témoin...

Je souffle fortement, en essayant au mieux de reprendre ma respiration. J'ai mal au ventre rien que d'y penser.

— T'en fais pas, ils seraient déjà venus s'ils devaient venir.

— Je pense que je suis vaccinée pour un moment... d'aller me fourrer dans des problèmes comme ça... je suis vraiment conne des fois.

— Ben... t'avais tort c'est sûr. T'es super têtue quand tu veux faire quelque chose. Ça n'arrive pas souvent, mais quand ça arrive, ça arrive. Tu es sûre que tu ne veux pas prendre quelques jours de repos de plus ?

— Non, ça va... je veux juste affronter Ethan. Lui parler les yeux dans les yeux.

— Si il faut il va te reprocher de t'être retrouvée par là-bas, de t'être mise en danger.

— C'est un risque à prendre, mais il ne peut pas nier le coup de main que je lui ai donné à mon tour.

— En tout cas ne recommence pas, t'aurais pu te faire tuer Agathe je te jure.

— Oui, je sais...

On se met en route et on entre dans le bâtiment. En continuant de discuter.

Tandis que Laetitia s'éloigne pour saluer quelques personnes, je trace ma route. Je réponds aux bonjours qu'on m'adresse, j'échange quelques bises. Mais sans m'attarder en conversations.

Soudain, je stoppe net ma marche. Mon corps s'immobilise.

Mes yeux se rivent sur Ethan, qui se trouve juste devant moi : j'ai failli lui rentrer dedans.

Je sens mon cœur bondir.

Je le regarde... il me regarde. On est tous les deux pris de court.

On se contemple, muets. Un peu gênés. Puis, Ethan ouvre la bouche et dit, assez prudent :

— Hey.

Je mets quelques secondes à réussir à parler.

— Hey...

Nouveau silence. On ne parvient pas à s'arrêter de se fixer l'un l'autre. Sans ciller. Pupilles vers pupilles. Iris dirigés vers iris.

Aucun de nous deux ne brise le lien de regard...

Son regard est moins sombre et ténébreux que d'habitude. Comme s'il n'était pas du tout habitué à ce que quelqu'un s'en fasse pour lui, ou ne serait-ce que respecte sa vie au point de vouloir la lui sauver.

Le jeune homme oriente lentement les yeux vers la trace du cocard sur mon visage.

— T'as encore mal ?

— Non, ça va...

— Tu peux mettre de l'arnica... thérapeutique ou homéopathique...

— Ça va c'est presque dégonflé... ça s'estompe petit à petit.

On a beaucoup de mal à se quitter des yeux. Mais aucun n'ose faire un mouvement vers l'autre.

Le moment se prolongeant, je reprends l'initiative :

— Merci, au fait... de m'avoir sortie du parking en me portant dans tes bras et d'avoir appelé Laetitia. C'est vraiment... enfin, c'est vraiment sympa de ta part.

— Ouais, enfin... c'est la moindre des choses. T'étais là pour moi.

— Quand même. Merci.

Il semble un peu nerveux, pas très habitué à ce genre de situation. Il est plus habitué à se battre dans des endroits dangereux et à mettre au point des tactiques criminelles que de se retrouver face à une femme qui le force à ressentir des sentiments. Il ne doit pas souvent éprouver des sentiments, ce qui explique pourquoi il est généralement sur la défensive.

Il n'est probablement pas habitué non plus à remercier qui que ce soit. Il réussit toujours seul ce qu'il entreprend, il s'en tire toujours, il n'a besoin de personne.

Il se montre hésitant, en cette confrontation directe. Pas certain quant au comportement qu'il doit adopter.

Mon cœur bat fort dans ma poitrine, je le sens particulièrement bien dans mon torse. Je sens que je dois faire le premier pas mais je ne sais pas comment le faire, je crains de dire une bêtise. J'ai peur qu'il reprenne et trace sa route, le plus vite possible. Qu'il n'assume pas. Mais il reste là, le regard imprévisible.

Soudain il se remet en mouvement ; il avance de manière à passer à côté de moi, et me glisse :

— Agathe... merci. Merci pour ce que tu as fait. Pour m'avoir prévenu que ce connard avait un couteau. Même si je m'en doutais bien, mais c'est surtout ce que tu as fait toi qui a de l'importance.

— De rien. C'est normal...

— C'est la première fois qu'on fait quelque chose pour moi.

Il m'effleure la main et ça me fait frissonner de passion. Mon cœur se met à battre encore plus fort.

— Je t'en dirai plus le moment venu. Tu as le potentiel d'avoir le même pouvoir que celui que j'ai eu. Ou de le partager avec moi, quand je l'aurai pleinement à nouveau. Tu pourrais être la femme la plus riche et la plus puissante du pays, que tout le monde te respecte et ait peur de toi. Tu pourrais être une reine, tu mérites d'être une reine. Mais ce sera ton choix. Je m'en voudrais d'attirer vers les milieux criminels quelqu'un d'aussi bien que toi...

Il me frôle le cou avec les lèvres, tout en prononçant ces paroles. Puis il s'éclipse et repart, disparaissant bien vite.

Je reste un moment sur place. Envahie de cet amour dont il m'a donné un trop court aperçu. Peu à peu je retrouve l'usage de mes membres. Et, dès que c'est possible, je me mets en mouvement et reprends ma route. Le regard plein d'étoiles et le cœur bondissant de bonheur. J'ai des papillons dans le ventre qui envoient de la poussière d'or avec les ailes.

Je sais que je dois l'arrêter... avant qu'il ne devienne trop puissant et trop influent... mais rien ne pourrait arrêter cet amour qui me transporte et fait battre mon cœur comme un dément.

La Panthère de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant