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Quelques jours après, en marge de la ville, sur une route départementale et à proximité de sa jonction avec une nationale. Aux environs de 23h.

C'est un véritable concert de klaxons (trafiqués ou devrait-on dire améliorés) et de jeux de phares d'une puissance inouïe. Les gens crânent entre eux, peu sont déjà installés au volant de leur bagnole. Ils discutent technique, ajouts, vitesse et prix. Les filles, dont beaucoup ont la vingtaine bien que certaines paraissent plus jeunes, semblent se lancer des anathèmes, quoique certaines sympathisent aussi ou se connaissent déjà. Très intéressée par l'ambiance, et par les quelques moteurs qui jouent déjà du bluff pour échauffer les esprits en rugissant puis en se calmant à intervalles irréguliers, je rejoins mon contact après avoir salué plusieurs personnes.

— Hey.

Il se retourne.

— Je suis Agathe, la filmeuse.

Il me toise d'un œil rude. Un mec assez athlétique.

— Ouais, tu vas te mettre à l'arrière de celle-ci, me dit-il en me désignant une voiture bien customisée. Tu peux filmer, mais tu nous montreras la vidéo après, et on te dira si tu peux garder la vidéo ou pas.

Je hoche la tête, et me présente aux personnes qui sont avec lui. Je fais preuve d'une certaine joie mais aussi d'un certain respect. Je me tourne vers les nombreuses voitures aux carrosseries rutilantes ; elles rayonnent dans la nuit, des chatoiements fascinants. Elles sont comme vivantes et pleines de virilité.

Tandis que les mecs discutent de leurs paris, se vantent de leur capacité à gérer les dérapages et débattent des modifications qu'ils ont apportées à leurs bolides, je m'approche des bagnoles et leur caresse le capot. Elles sont magnifiques... rayonnantes... ça se voit qu'elles sont bichonnées. Elles ronronnent d'amour, amour de la vitesse... amour des sensations... amour du risque... la lune se reflète sur leur carrosserie. C'en est presque sensuel de les caresser. En plus elles sont tièdes, certaines déjà chaudes ; leur chaleur se diffuse dans ma main et dans une partie de mon bras. C'est presque intime. Ça fait battre mon cœur plus fort, d'excitation. Leur moteur semble aussi ardent qu'un membre masculin. Mais ce n'est rien par rapport à ce que ces voitures impossible à stopper s'apprêtent à donner.

Voyant que je caresse les carrosseries avec une sorte de lascivité magnétisée, un des compétiteurs ou pote de compétiteur s'approche de moi et me branche :

— Hey princesse, fan de belles bagnoles ?

Je suis tirée de mon fantasme et rétorque :

— Désolée mon cœur est déjà réservé... et pour celui à qui pas mal d'entre vous doivent du pognon, d'ailleurs.

— Y'a pas de mal, assure-t-il.

Je le défie du regard pour qu'il comprenne qu'il ferait mieux de dégager avant que j'en parle à Ethan. Après quoi je m'installe, les fesses appuyées contre le capot chaud et croise les bras :

— C'est bon, j'attends le départ. Je vais immortaliser la vitesse, la capturer. À travers l'écran. Mais moi, on ne me capture pas.

Les autres gars aussi semblent recevoir le message : je suis un peu comme la femme du chef, on doit être aux petits soins pour moi, et on ne me drague pas. Je les suis des yeux, sévère et plutôt contente d'être un peu crainte moi aussi grâce à ma proximité avec Ethan. Puis je m'intéresse aux mouvements qui ont lieu sur la chaussée. Des individus font des trucs, tous éclairés par une voiture. Je suis impatiente, électrisée : j'ai hâte que ça commence. Je veux sentir l'air dans mes cheveux et me fouetter le visage, la vitesse me prendre au corps. À force de les regarder faire, me vient une idée. J'ai repéré un véhicule pas mal, celui dont j'ai caressé le capot. J'ai un bon feeling avec cette voiture. En plus elle a de bonnes jantes je trouve.

La Panthère de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant