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Du côté de la Place Wilson. 23h30 du soir.

La nuit est noire, et je rentre chez moi, des pensées plein la tête.

Quand soudain, j'entends des bruits lointains. Des sons étouffés... comme des paroles paniquées, prononcées très fort. De plus en plus fort. On dirait... des cris ?

Je m'arrête et tends l'oreille. Ça vient d'un peu plus loin, à l'autre bout de la rue... tout près d'ici. Oui, c'est bien des cris ! Des cris de femme !

Après un instant de réflexion, je décide d'intervenir : je traverse la route et je me dirige vers le son.

Les appels à l'aide se font de plus en plus pressants.

Le coin est peu éclairé. Près d'un bâtiment, j'aperçois plusieurs personnes. Un groupe de mecs. Ils parlent rudement à une fille, ils sont en train de la malmener. Ils ont même l'air de vouloir l'agresser.

— Mais dégagez, putain ! se plaint la victime.

Mais ils ne la lâchent pas. L'un d'entre eux l'attrape par le bras tandis qu'un autre la saisit par les cheveux et la tire vers lui ; elle pousse un nouveau cri. Un troisième la frappe brutalement au visage. Quand le premier la lâche, elle tombe à terre. Mon sang de fait qu'un tour et je m'écrie :

— Hé ! Qu'est-ce qui se passe ?!

Les quatre mecs se tournent vers moi. La peur me prend au ventre ; je peux me faire agresser moi aussi. J'aurais dû appeler la police ou les secours avant d'intervenir.

Je regrette d'avoir agi sans réfléchir.

Mais contre toute attente, après m'avoir dévisagée un bref instant, les mecs renoncent : ils se mettent en mouvement et prennent la fuite, disparaissant à toute vitesse par la ruelle opposée. Bizarre, ils n'ont pas insisté. Il ne reste que la fille, gémissant par terre, à genoux, et ses cheveux châtains lui retombant sur le visage.

Je me précipite vers elle :

— Ça va, tu n'as rien ?

La fille me tend une main tremblante pour que je l'aide à se relever. Je la lui prends, et la tire vers moi pour la soutenir, et la redresser.

Elle s'accroche à moi, et se colle tout à coup à mon corps. Je crois qu'elle veut me serrer dans ses bras ; mais je ressens soudain une violente douleur à l'abdomen comme si elle m'avait frappée avec une force surhumaine.

Putain que ça fait mal ! J'en ai le souffle coupé : la douleur s'étend en moi, et par réflexe je repousse la fille.

La souffrance que je ressens devient atroce, difficilement soutenable. J'en titube, j'ai du mal à rester debout. C'est à cet instant que je remarque que celle que je viens de secourir tient une longue lame de couteau dans la main.

Cette fille s'enfuit, et je hoquette en me tenant péniblement debout, les jambes flageolantes. Le paysage se met à tourner autour de moi. J'essaie d'appeler à l'aide dans un gémissement désespéré, mais personne ne peut m'entendre d'ici. Je porte la main à l'endroit où je suis touchée ; quand je la retire et la regarde c'est tout poisseux de sang.

Je pleure, et tente une nouvelle fois d'appeler à l'aide, mais je sens mes forces me quitter. Même ma voix s'affaiblit. Dans un ultime effort, je fais quelques pas et reviens vers la partie éclairée du trottoir. Mon corps s'engourdit. Mes dernières forces m'abandonnent. Je me sens partir...

Je chute mollement par terre. Et sombre dans le néant.


*  *  *  *  *

La Panthère de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant