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J'aurais envie de me pincer, pour chasser cette impression... je me fais sûrement des idées, ça ne peut pas être le même... aucune chance... mais cette moto... et la suffisance de ce type, son air provocateur...

— Ou-ouh, Agathe, tu rêves ?

La voix de Mégane me tire brutalement de mes pensées. Et de mon observation.

Je bafouille :

— Oui, enfin non... qu'est-ce que tu disais ?

— Je te demandais si tu voulais qu'on se retrouve à la cafét' à 10 heures ?

Je retourne la tête vers le groupe de mecs inquiétants, juste à temps pour voir les deux plus âgés s'éloigner. Le jeune homme athlétique et caliente se dirige, lui, d'un pas tranquille mais certain vers l'entrée de l'établissement.

Je me mords les lèvres jusqu'au sang. Ça me tue de ne pas savoir si c'est lui ou pas. Et ça me fait peur, aussi. Qu'est-ce qu'il fait là ?

J'aperçois l'adjoint de direction devant l'entrée. Debout, les bras croisés. Proche du passage par lequel s'engouffrent déjà les étudiants. Je le connais : il s'appelle monsieur Gravière. Il est froid et particulièrement dur, et n'hésite pas à passer un savon aux gens qui créent des problèmes. Il est sans pitié, d'après ce que j'ai vu. C'est un quadragénaire propre sur lui, et à la carrure si impressionnante qu'il impose le respect au premier coup d'œil. Sa barbe courte toujours impeccablement taillée et son costard orné d'une cravate rappellent qu'il occupe un poste important au sein de l'établissement.

À peine le mystérieux jeune homme passe-t-il devant lui que monsieur Gravière l'interpelle sur un ton très poli :

— Monsieur Sroth, veuillez me suivre s'il vous plaît.

C'est bizarre : le timbre de sa voix n'est vraiment pas le même que celui qu'il prend d'habitude. Les mots qu'il adresse au jeune homme sont dits avec soin et prudence. Comme s'il avait peur de lui.

Attends, ce mec est venu étudier le cinéma ici ? Un second frisson me traverse tout le corps, mêlé d'un sentiment de curiosité. Pourquoi veut-il faire du cinéma ? Et pourquoi cet adjoint a-t-il peur de lui ?

Je commence à me demander qui est ce garçon et pourquoi l'attitude de monsieur Gravière est aussi étrange.

Pendant que je réfléchis, intriguée, Mégane nous lance, les mains dans les poches :

— On rentre ?

J'essaie de recentrer mon attention et mes pensées sur mes amies. Je préfère ne pas leur faire part de mes inquiétudes et de mes interrogations. Inutile de les affoler tant que je ne suis pas sûre de moi.

On franchit bientôt l'ouverture avant de traverser la cour intérieure. On s'engage très vite dans les escaliers et on les monte en papotant, quand, soudain, la conversation est brutalement interrompue.

AAAH !

Mes pieds se dérobent, mon corps bascule, je glisse en arrière et tombe à une allure folle dans les escaliers. Ma perception se brouille, et mon équilibre s'égare dans le feu de l'action. J'essaie de me retenir à la rampe, mais ça ne ralentit pas ma chute qui au contraire s'accélère. Au moment où je vais m'écraser en bas des marches, je sens tout à coup quelque chose me retenir et ma dégringolade être stoppée net, instantanément mais sans choc. Avec douceur.

Je mets quelques secondes à retrouver mes esprits. Ma tête tourne, ma vision aussi. Je ressens une impression de semi-flottaison, comme si je ne touchais pas vraiment le sol. Comme si j'étais portée par quelqu'un.

Je me rends compte, après avoir retrouvé une conscience moins ébranlée, que quelqu'un me soutient effectivement dans ses bras. Ce quelqu'un vient d'arrêter ma chute juste à temps.

Je cligne des yeux et les tourne vers mon sauveur. Oh, mais merde... ce n'est pas possible... c'est le jeune homme mystérieux ! Celui que même monsieur Gravière a l'air de craindre !

Sans un mot, il me dépose à terre avec précaution et me lâche. Il m'aide ainsi à me remettre debout, le temps que je sois stable sur mes pieds.

Mon cœur bat à cent à l'heure et j'ai des picotements dans les joues, je n'arrive pas à détacher le regard de lui.

Alors que j'essaie de me remettre de mes émotions, il tourne brièvement le visage vers le sommet des escaliers et avise d'un regard sombre le sac à dos dont le contenu est éparpillé sur le sol. Il détermine très vite en lui la cause de l'incident. C'est vrai que j'ai sûrement dû trébucher sur cette saloperie de sac, c'est ça qui m'a fait tomber.

— Regarde devant toi, la prochaine fois.

Il me balance ça d'un ton assez sec. Mais il m'adresse un joli sourire, avant de se détourner.

Il s'éloigne de moi et part en direction de l'étage supérieur, sans s'attarder plus longtemps ici.

Il a des yeux aux iris noirs, magnifiques.

Je reste saisie par sa gentillesse. Je ne m'y attendais pas du tout. Ça peut quand même pas être le gars violent que j'ai vu à Marseille... si ?

J'ai du mal à calmer totalement ma respiration. Difficile de rester insensible à ce beau mec...

Oh, zut, j'ai même pas eu le temps de le remercier, ni de lui demander son prénom. Il est déjà hors d'atteinte des mots que je pourrais prononcer. Je n'ai même pas pu lui dire merci. Merde, je suis vraiment nulle. Avec les hommes surtout.

La Panthère de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant