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Je le fixe du regard. À moitié fascinée et à moitié intimidée. Je reprends :

— Bon... non, allez... dis-moi... ce mec... tu le connaissais quand même un peu. Qui est-ce ?

— T'es vraiment curieuse... j'ai pas trop envie de te mettre en danger, te connaissant... le moindre truc que je puisse te dise, et tu vas aller mettre ton joli nez partout...

— Déjà dis-moi d'où tu le connais, lui...

— Ce n'est pas une connaissance proche...

Le barman revient vers nous. Je sors mon porte-monnaie et paye, tandis qu'Ethan se saisit enfin du verre qu'on lui a apporté.

— Merci Agathe. Je crois que t'es la première a m'avoir payé un verre. Comme ça, sans attendre des divers avantages en retour. La première à m'avoir sauvé, la première à m'avoir offert un truc... ça commence à faire beaucoup de premières fois avec toi.

Il esquisse un sourire et poursuit :

— C'est con à dire, mais quand t'es là, j'ai la sensation étrange qu'il n'y a pas que des gens pourris dans ce monde. Et quand tu n'es pas là... cette sensation s'efface. Il faudrait qu'on soit plus souvent ensemble.

Je lui rends son sourire en répondant :

— Il faudrait même que je sois tout le temps avec toi alors. Non il n'y a pas que des gens pourris, mais c'est sûr que si tu ne fréquentes que des salauds, tu vas avoir cette impression.

Il commence à boire. Je fais de même avec ma propre consommation.

Je repose le verre et le contemple.

— Pourquoi tu m'as dit que tu pourrais tout m'offrir ? Sans limites ?

— Parce que c'est le cas. Mais tant que je ne te fais pas pleinement confiance, je ne développerai pas davantage le sujet, ma belle.

— Avoue que c'est intriguant... tu me dis ça, comme ça... ça a de quoi titiller ma curiosité.

Il sourit :

— Tu sais ma biche, quand t'auras fait ta mue et que tu auras révélé tout le potentiel que je sens depuis longtemps en toi, tu ne trouveras plus ça si extraordinaire... j'espère juste qu'à ce moment-là, on ne passera pas notre temps à s'affronter. Si tu choisis de suivre le meilleur côté de toi-même...

— Ma mue, je l'ai un peu commencée déjà, non ? Je n'aurais jamais imaginé être capable de faire ce que j'ai fait l'autre fois dans le parking... risquer ma vie, seule, comme ça ! L'adrénaline, j'avoue c'est quelque chose.

— Non, tu n'as pas commencé ta mue. Tu es intervenue pour m'aider, tu n'es pas intervenue pour les arrêter. Et c'est totalement différent. Tu ne l'as pas fait par éthique, tu ne l'as pas fait parce que ton être profond te disait de le faire. Tu l'as fait pour moi. Lorsque ta mue sera complète, tu sauras exactement pourquoi tu fais les choses, et tu n'auras pas besoin de moi pour ça. Tu seras une reine, la reine que tu as toujours été au fond de ton cœur, mais que tu n'as jamais osé révéler entièrement. T'as simplement eu un aperçu de ce que tu es capable de faire, et tu découvres progressivement ton tempérament, mais tu ne sais toujours pas qui tu es. Moi, je sais qui tu es.

Je l'interroge du regard :

— Alors dis-moi qui je suis, Ethan... ça m'intrigue vraiment, ce que tu dis...

— Je ne vais pas te le dire. Tu vas le découvrir.

Il boit quelques gorgées.

— En attendant, on peut papoter, toi et moi. Que cherches-tu, dans ces études ? Et dans ce métier ? Qu'attends-tu ? Tu veux simplement devenir une actrice, au service de l'industrie ? Plus ou moins assujettie au système ?

— Je ne sais pas... je ne sais même pas ce que je cherche dans ma vie. Devenir une actrice connue ? Oui, j'aimerais bien, mais il y a tellement de concurrence...

Il me fait un clin d'œil et m'annonce :

— À mes côtés, tu n'aurais plus aucune concurrence...

— Oh toi, je suis sûre que ta technique ce serait de tuer tous mes concurrents.

— Ce serait un peu difficile de tuer des milliers de professionnels sans se faire remarquer. Mais je note l'idée.

— Pour être honnête, j'ai toujours été passionnée de films et de vidéos. J'adore faire des vidéos avec mes amis, et d'ailleurs j'aime bien être dans des vidéos Youtube et streamer moi-même.

Il me fixe dans les yeux, et me demande :

— Et pourquoi aimes-tu être filmée ? Qu'est-ce que ça te fait ressentir ?

— Je ne sais pas... ça me donne confiance en moi, parce que naturellement je n'ai pas forcément confiance en moi. J'aime le film, la fiction, me mettre en scène, échanger avec les gens. Jouer différentes personnes, changer de personnalité, de vêtements, de couleur de cheveux...

Je souris et ajoute :

— Je ne sais même pas pourquoi je te dis ça. Tu dois t'en ficher...

— Non, c'est intéressant, au contraire. Tu es une personne vraiment intéressante.

— Et toi, pourquoi tu aimes l'audiovisuel en général ?

— Disons que... on n'y meurt pas comme dans la vraie vie... alors, ça permet de s'entraîner. Dans la vraie vie, on n'a pas de deuxième chance, de deuxième prise... on n'a pas le droit à l'erreur. C'est le clap de fin. Définitif. Le film, ça donne l'illusion qu'on peut avoir une seconde chance. Qu'on peut revenir en arrière. Qu'on peut tout rembobiner. Dans la vie, on n'a pas de seconde chance, c'est tout. La moindre erreur, on le paye. Ça peut être fatal. Enfin... l'audiovisuel ça me permet aussi de me calmer, quand j'ai la haine. Ouais, on peut dire ça. C'est un peu comme la lecture.

— Ah oui c'est vrai que tu aimes la philosophie.

— Ouais ça permet de prendre de la distance avec les choses.

Une expression de dureté sur le visage, il boit lentement quelques gorgées d'un geste impérieux. Puis il reprend :

— Tu fais du cosplay aussi, dans tes streams ?

— Oui parfois, des personnages de manga.

— Et tu dessines ?

— Oui, comment tu le sais ?

— Je sens un côté artistique, en toi... un côté sensible. Et même hyper sensible... tu l'es ?

Je reste bouche bée. Je n'arrive pas à croire qu'il devine tout, aussi facilement.

— Oui, je le suis... c'est aussi pour ça je pense que je ne supporte pas les injustices et les agressions, parce que ça me fait trop de mal, mon cœur se met à battre directement et me fait super mal quand j'en vois.

Il hoche la tête, pour me dire qu'il comprend.

Je n'arrive pas à croire que la personne qui me comprenne le plus soit un criminel surveillé par la police et par les tribunaux... c'est fou à dire mais je crois que je pourrais lui parler de choses et même des choses les plus intimes, et qu'il pourrait mieux comprendre que les autres.

La Panthère de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant