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Je lui demande, doucement :

— Cet apparemment... il est à toi ?

Il m'adresse un sourire amusé.

— Mais tout est à moi, ma belle. Cet appartement, ce quartier, cette ville... cette région... peut-être ce pays bientôt.

— Tu te moques de moi, là...

— Qui sait...

Il me fixe longuement du regard. Des beaux yeux perçant dans lesquels j'aime me plonger.

Je sens mon cœur battre dans ma poitrine. Je le regarde avec intensité. Et lui demande :

— Depuis toujours tu sens quelque chose en moi... dis-moi, qu'est-ce que c'est ?

— Je sais lire l'esprit des gens. Je suis un habitué... un combattant. Et un combattant talentueux ne néglige jamais d'observer ce qui se dissimule, ou ce qu'on veut dissimuler. Tu peux vivre comme une reine. Tu en es une, mais tu ne t'en donnes pas les moyens, et tu gâches ton potentiel. Tu continues de suivre les règles que la société t'impose. Si ça te dit, je peux te donner les outils pour changer ta vie. Pour révéler ton vrai visage.

— Tu essaies de m'attirer sur le même chemin que toi...

— Ah ah mais tu n'as pas besoin de moi pour ça ma belle, ce que je veux, c'est te protéger contre les dangers que tu vas devoir affronter. Je m'intéresse à ce que tu fais. Ça t'énerve ce qui se passe en ville, la violence, le manque de respect, tout ça. T'en as marre de devoir baisser la tête, tu voudrais agir. T'aimes pas l'immobilisme. T'as besoin d'un vrai stratège pour te guider.

— Te connaissant, je suis pas certaine qu'on sera du même côté, tu sais Ethan...

Il sourit et répond :

— Ça rendra notre relation encore plus intéressante, non ?

— Peut-être...

— Ça m'est déjà arrivé de m'attaquer à de dangereux cadors, tu sais... rien ne dit qu'on ne sera pas du même côté. Même leurs balles de flingue glissent sur moi. Surtout quand je suis en moto.

— Oh, j'en étais sûre ! C'est toi que j'ai vu arrêter une fusillade en pleine ville, il y a quelques mois à Marseille ! T'es arrivé à fond sur ta moto noire, très courageux ! Et après ils ont essayé de te tuer, t'as slalomé super rapidement entre leurs tirs ! Cette nuit-là je n'ai pas bien vu ton visage, mais après quand on s'est rencontrés ensuite et que j'ai vu ta moto, là, j'en étais sûre !

— Je ne crains pas l'altercation, ma belle... ça me permet de me sentir vivre, d'une certaine manière...

— Tu ne te sens vivre qu'à travers la violence ?

— On peut dire ça comme ça, ma biche.

— J'aimerais mettre de l'amour dans ta vie, ou au moins te rendre moins ténébreux, enfin j'aime que tu sois ténébreux, mais c'est de la folie ce que tu fais... je t'aime comme tu es tu t'imagines pas mais je m'inquiète trop, trop. T'as pas idée.

Je reprends ma respiration pour ne pas laisser mes sentiments me l'entrecouper et ajoute :

— Il y a tellement de choses à changer dans cette ville mon chéri... on pourrait le faire ensemble, non ? Combattre tous ces criminels ?

— Le temps joue en notre faveur ma belle.

Il s'approche de moi, en me fixant d'un regard de braise. Il semble lire des choses en moi que je suis incapable de percevoir.

Je vibre de le voir venir si proche de moi. Nos regards l'un dans l'autre. J'ai l'impression qu'il va venir m'embrasser.

Il extirpe quelque chose de dissimulé dans la doublure de sa veste. J'entends un son aigu et distendu, très électronique. Celui d'un appareil photo professionnel. Ou d'une caméra...

Il me la montre enfin : c'est une mini-caméra dont la taille n'excède pas les deux poings réunis, de haute technologie et rutilante malgré la pénombre. Pas du matériel d'études, qui, sans être mauvais, n'est pas d'aussi haute qualité. Celle-là doit être à lui. Le genre de caméra qui coûte, d'après ce que j'ai vu en magasin spécialisé, plusieurs dizaines de milliers d'euros. On peut s'en servir dans le cinéma professionnel.

— Pourquoi tu m'as demandé d'amener une caméra portable si tu en as une meilleure toi-même ?

— Pour voir ta réaction. Et voir ce que tu vas faire.

— Comment tu as fait pour acheter ça ? C'est hyper cher... plus de dix mille euros...

— Tu poses jamais les bonnes questions.

Il prend un air plus sévère, vient vers moi, en tenant la caméra portable flambant neuve à la main, à la force du poignet.

— Jamais, jamais les bonnes questions...

Sa voix se fait acérée, et ses yeux me châtient tel un coup de foudre qui vise juste, si bien que j'en suis désarçonnée.

— Désolée...

Quand il a ces yeux sombres, il peut se montrer effrayant et fascinant à la fois. Il me fixe de manière appuyée, de ses iris aux puissants horizons de cannelle. Tandis que je pince les lèvres, il actionne un bouton à la caméra.

Mais, soudain, il pose calmement la caméra portable sur la commode.

— J'en pense que tu n'es pas encore prête pour tourner notre film. Mais tu le seras.

Il appuie sur un bouton de l'appareil pour l'éteindre, et ajoute :

— Ça te dirait d'aller manger un morceau un de ces jours, à un restaurant ?

J'en suis interloquée, tandis qu'il déclare :

— Je ne vais pas m'occuper de toi aujourd'hui... il est trop tôt, tu n'es pas encore prête. On pourrait apprendre à se connaître, en attendant, lors d'un dîner.

Je suis prise de court : je ne m'attendais pas à une telle proposition, surtout venant de sa part.

Lui, m'inviter à dîner ?

— Euh oui bien sûr... mais quel jour ?

— Je te le dirai le moment venu.

— Mais le court-métrage ? On n'a plus qu'une semaine pour le rendre, c'est important pour notre carrière...

— Détends-toi, on le rendra à la date prévue.

Il y a quelque chose, dans son assurance, qui donne envie de lui faire confiance.

Il revient vers moi, et, avec un léger sourire, me passe doucement le bout des doigts sur le côté du menton. Me le longe en m'effleurant la peau. Un contact si doux et électrisant, qui me fait monter dans le corps un formidable émoi tendre et enflammé. Une vague de sensations uniques me traverse.

Je murmure :

— T'as toujours été distant et hautain... qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ?

— Le fait de risquer ta vie pour quelqu'un qui t'a toujours traitée durement, ça contrevient assez aux comportements attendus. Et me donne envie de te comprendre. De te connaître davantage.

Il a retiré sa main, et, bien qu'il y ait toujours quelque chose de mystérieux dans son regard, il me considère avec beaucoup de respect.

La pénombre permet de le distinguer dans le clair-obscur ténébreux, alors qu'il s'apprête à tourner les talons et à repartir. Il a décidé de remettre à plus tard cette confrontation intime, et il n'y a pas moyen de discuter. Je n'ai jamais rencontré un mec comme ça, trop fascinant, et qui veut se réserver aussi physiquement que sexuellement, pour le bon moment. Ça le rend d'autant plus désirable. Inaccessible, mystérieux. Interdit.

Je sais, maintenant, que je vais devoir jouer son jeu à lui.

La Panthère de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant