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22h57, au sud-est de la ville, dans un quartier populaire.

— Ouais après 23h je disparais, je m'attarde plus trop dehors moi, désolé. Trop risqué en ce moment...

Les deux gars avec qui il discute hochent la tête. Il ne tarde pas à les lâcher : il ne veut pas risquer d'être repéré. Ou pourrait lui tomber dessus, encore plus facilement que de jour...

Il rejoint son immeuble en restant sur ses gardes, puis emprunte l'ascenseur et se rend sur le palier. Il pénètre dans son appartement, et referme la porte à double tour derrière lui.

L'écran de son téléphone s'allume encore, à force de recevoir des messages incessants de ses partenaires de business. Mais il ne les consulte pas immédiatement. Il a l'esprit ailleurs, inquiet. Il a allumé la lumière du couloir et s'est laissé retomber dans le canapé du salon. Une pièce de séjour plongée dans une partielle pénombre. Les stores sont baissés. Ce stress... il n'y est pas habitué. Il bénéficie d'une bonne protection, généralement. Des gens puissants, parmi ses partenaires de business. Mais là... il s'est beaucoup trop impliqué dans le combat contre cet Ismaël, que ses partenaires essaient de faire tomber à tout prix. Beaucoup trop... on ne va pas tarder à pouvoir remonter jusqu'à lui... et ses partenaires ne pourront pas le protéger bien longtemps. Il va devoir quitter la ville. Oui... le stress est bien présent, plus fort que jamais. Depuis plusieurs jours maintenant.

Pas question d'être le prochain à se faire tuer ! Les petits délinquants ça ne lui fait pas peur, on peut les gérer et ils ne prennent pas le risque d'assassiner des gens comme ça. Mais là, ce n'est pas du tout la même. Il a affaire à quelqu'un de très puissant, qui défend son business. Quelqu'un qui règne sur des tas de territoires, sur la région et qui contrôle des filiales dans tout le pays aussi. Quelqu'un qui a probablement agrandi sa sphère d'influence en réglant leur compte à ses concurrents.

D'extorsions en extorsions, certains salopards emplis de motivation peuvent finir par gagner du poids, participer à de grosses guerres de gang, et ceux qui survivent mettent parfois en place des commerces étendus, forts de leur expérience et de leur hégémonie nouvelle. Prêts à tout pour garder la mainmise dessus. Ce qui semble être le cas, encore une fois.

Nerveux, il serre les dents. Et rage.

— P'tain !

Il ne peut pas supporter cette pression. Cette intimidation continuelle, cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête. S'il pouvait revenir en arrière, il n'aurait jamais accepté ces accords qu'il a passés avec ces bandes de mecs charismatiques et insaisissables, qui dépouillent les dépouilleurs. Au départ, il a été séduit par leur crédo : qu'y a-t-il de mal à dépouiller les trafiquants, les délinquants, les pires criminels qui soient ? L'idée était bonne : les voler, et rediriger l'attention de la police sur eux, plutôt que sur nous-mêmes. Piller leurs revenus, provenant de trafics importants. Mais ça a toujours été extrêmement risqué : personne n'aime voir disparaître le fruit de son travail, ou, en l'occurrence, le fruit de ses larcins. Les cibles de ces vols ne sont jamais des rigolos. Ce sont des tueurs.

Il est protégé, ça va, mais quand même. Si ça peut lui éviter d'avoir des ennuis avec des dangereux connards, la plupart de ses soutiens n'iraient toutefois pas se mouiller pour le défendre face à des gens trop puissants.

Il jette un coup d'œil à son téléphone, le visage tendu. Impossible d'être paisible. Il a donné les clefs de son immeuble à trois ou quatre personnes de confiance, censées pouvoir le protéger rapidement, au cas où un gang particulièrement belliqueux viendrait lui demander de rendre des comptes jusque chez lui. Ou tenterait de lui tendre un guet-apens, dans le voisinage par exemple, à la faveur de la nuit.

La Panthère de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant