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— En tout cas t'as du succès, lui glissé-je, tout bas.

En effet, plusieurs filles dans le groupe ont l'air vraiment intéressées par ce qu'il dit à chacune de ses interventions. Il paraît très engagé contre les injustices, et il a du caractère. Et puis il est beau...

Il continue de discuter avec beaucoup de monde : il a encore à démontrer pas mal d'arguments, et la richesse des thèmes abordés alimente la conversation. J'écoute et participe.

Il a l'air de savoir un peu tout sur tout, et peut se montrer aussi calme et sérieux qu'il peut se montrer dissident. J'adore l'observer, de son joli visage que caressent les lueurs du soir à ses paroles incisives.

Je lui demande :

— Toi qui n'aimes pas qu'on fasse du mal aux animaux, qu'est-ce que tu penses de l'écologie ?

— Que c'est encore une question d'hypocrisie. On n'entend jamais les écolos critiquer internet, alors que l'utilisation d'internet ça pollue davantage que les voitures. On ne les voit jamais non plus diriger leur militantisme contre le gouvernement chinois, alors que la Chine est le pays le plus pollueur du monde. Hypocrisie, hypocrisie... petite salade d'hypocrites entre amis. Mais bon, faut pas compter sur eux... le courage, ce n'est pas une valeur d'hypocrite. Et je ne parle même pas des libéraux qui vont utiliser ça pour détourner l'attention et continuer à tabasser les plus pauvres et les plus faibles. Comme dirait Nietzsche, c'est de la moraline à bon compte.

— Toi tu es plutôt fan de Kierkegaard, non ? À en juger du dernier bouquin que tu m'as filé.

Il éclate de rire.

— Kierkegaard mais t'es ouf c'était un malade !

— Et sinon qu'est-ce que tu proposerais, toi, pour en finir avec le sexisme ?

— Déjà cesser de croire qu'une justice sexiste peut traiter les problèmes dus au sexisme. Cesser de penser qu'une société va régler les problèmes qu'elle a elle-même créé.

— Mais c'est le chien qui se mord la queue, au final.

— Je te trolle un peu.

Hum. Okay. Je prends doucement mon verre entre mes doigts et me détends.

La fête bat son plein. Je me lève un peu pour profiter de la soirée.

Je marche calmement, le sourire facile aux lèvres, me promène, vais parler aux gens. Quand, longtemps après, Laetitia me rejoint.

— Ça va, toi ?

Je suis radieuse et lui réponds :

— Tu sais je me sens si bien d'avoir sauvé Anaïs et de savoir que personne ne le sait.

— Ah mais ça c'est parce que tu as bu.

— Non je te promets. Si tout le monde le savait ça ne me ferait pas ça, mais là je me sens en paix avec moi-même. C'est juste... je suis juste moi. Ça, tous ceux qui auraient mis la vidéo sur les réseaux sociaux pour se faire mousser et faire le buzz ils ne pourront jamais le comprendre je crois.

— C'était un très beau geste mais si elles avaient eu un couteau ? Fais gaffe à toi vraiment, quand je dors pas de la nuit parce que j'angoisse pour toi après je suis crevée le lendemain.

— Oui, désolée...

— Mais je suis quand même contente que tu te sentes en paix avec toi-même.

On marche lentement, en regardant parfois le ciel, et parfois les invités autour de nous.

— Des fois j'envie les gens comme Adrian Staune, sa vie doit être passionnante, dis-je.

— Dangereuse aussi.

La Panthère de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant