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Je sens du plomb qui me pèse dans le crâne... de lourds nuages qui sont... collés sur les parois de ma tête...

Une sorte de luminosité... des halos... indistincts... mouvants... de la lumière... blanche... un peu trouble.

J'ouvre peu à peu les yeux. Les cligne. Difficilement. J'ai la bouche pâteuse.

Je décèle progressivement des éléments autour de moi. Un plafond... une chaise... je me trouve dans une pièce assez grande, aux murs blancs. Dans un lit. Pas le mien. Huug, ce mauvais goût dans ma bouche...

Je réalise que je me trouve à l'hôpital. Je me sens lourde. Le corps, la tête. Je tourne cette dernière, lentement. Ça va, je parviens un peu à bouger. Même si je me sens patraque.

Je vois quelqu'un. Assise à mon chevet. Laetitia. Le visage anxieux de ma meilleure amie s'illumine quand elle voit que je vais bien. Elle tourne la tête et annonce :

— C'est bon, elle est réveillée !

Puis elle tourne le visage vers moi :

— Ça va ? Tu vas mieux ? Tu te sens comment ?

— Mmhf... qu'est-ce qui est arrivé...

— On t'a ramenée à l'hôpital, les médecins ont regardé, comme tu étais toujours évanouie... mais apparemment ça va tu n'as rien. Enfin rien de grave, juste des blessures superficielles. J'avais peur pour toi, t'imagines même pas. Le docteur a dit qu'on t'avait frappée et que tu avais peut-être un traumatisme crânien, mais finalement ça va... tu as de la chance que ce n'étaient que des coups, tu aurais pu te faire planter avec un couteau... te faire tuer...

— De... je suis ici depuis quand...

— C'est la nuit, ça fait que quelques heures que tu es ici. Non ça ne fait pas deux jours ne t'inquiète pas.

Un médecin s'approche du lit tandis que Laetitia échange un regard avec moi, histoire de signifier : « ça va, on a limité les dégâts, si tu peux marcher d'ici quelques heures on pourra repartir sans que personne ou presque ne sache la connerie que tu as fait ».

— Bonjour, je vois que vous êtes réveillée, dit le docteur avec un léger sourire. Comment vous sentez-vous ?

— Ça va...

— Vous avez quelques hématomes, des commotions, des blessures légères, mais rien de bien méchant. Si vous le permettez, j'aimerais faire quelques petits examens supplémentaires, et vous pourrez repartir le lendemain, si nous ne trouvons rien d'inquiétant.

— Je leur ai donné tes papiers, me prévient Laetitia.

— Vous avez prévenu ma mère ? demandé-je au médecin. Elle n'aime pas trop que je me retrouve dans une bagarre...

— On lui a téléphoné.

— Et merde... elle va me tuer...

— Elle paraissait plutôt rassurée que vous n'ayez rien, dit le médecin. Ne vous en faites donc pas.

Ces paroles ne me rassurent pas trop. Je vais quand même avoir droit à des questions. Et ma mère n'est pas une idiote : dire que je me suis malencontreusement retrouvée en plein milieu d'une bagarre « totalement par hasard » au cours d'une balade du soir, ça ne la convaincra pas. Je peux toujours jouer sur le fait que je suis une fille plutôt sage et tranquille d'habitude...

Je me sens encore un peu engourdie. Ils ont dû m'abrutir avec des médicaments.

Le médecin paraît compréhensif et à l'écoute :

— On ne vous a pas encore prodigué d'analyses supplémentaires, on voulait d'abord avoir votre ressenti. On a surtout décongestionné vos hématomes.

— Je vais bien, dis-je en me redressant péniblement.

Je porte la main à mon visage afin de le toucher précautionneusement. Puis je le tourne vers Laetitia :

— J'ai des bleus ?

Elle me montre avec les doigts une région allant de la joue droite jusqu'au menton.

— On voit que tu as pris des coups oui, mais en une semaine ça aura disparu, ça va. C'est pas des gros bleus.

— Putain.

— Non je te jure c'est rien. Tu t'étais fait presque pareil lorsque tu étais tombée chez moi.

— Tu parles, ça s'est vu pendant un mois, même avec du maquillage.

— Vous devriez être capable de marcher sans étourdissements aucuns, dit calmement le docteur. Et gambader sans aucun problème dès demain. Peut-être même dans une heure ou deux. Si vous concédez quelques analyses supplémentaires pour vérifier que tout va bien, vous pourrez rentrer chez vous ensuite, dans quelques heures tout au plus. Mais vous n'y êtes pas obligatoirement forcée. Je vous le conseille néanmoins.

Il ajoute :

— Dans tous les cas, évitez de vous battre à l'avenir. Selon la zone qui est touchée par les coups, cela peut être plus grave. L'un de mes patients, récemment, a eu la paupière fendue.

— Oui... ça m'a servi de leçon je crois...

Il s'éloigne et sort de la pièce. J'en profite pour demander à Laetitia :

— Qui est-ce qui m'a sortie du parking ? Je me souviens avoir perdu connaissance à l'intérieur... et puis, plus rien...

— C'est Ethan, il t'a portée hors du parking et transportée à deux rues de là. Pour te mettre en sécurité. Il m'a appelée, pour que je vienne te chercher. Mais après il est parti avant l'arrivée de la police.

— Tu m'as amenée à l'hôpital après ?

— Oui Ethan avait peur qu'on lui pose trop de questions s'il nous accompagnait à l'hôpital. Alors il m'a demandé de le tenir au courant de ton état.

— Tu as été super, merci, dit-je en lui prenant affectueusement la main.

— Non mais tu rigoles c'est normal, j'étais sur place en trois minutes tu plaisantes.

— Et ma mère ? Elle va venir ici me chercher, du coup ?

— Elle arrive.

— Ouille.

— Tu n'es pas restée dans les pommes si longtemps que ça. Tu t'es juste pris trois gnons voilà...

— Moui, ça aurait pu être pire c'est vrai...

— Oui, sérieusement ne recommence pas. Sérieux, là.

— Oui, je sais.

Elle laisse échapper un rire nerveux. Elle se doute maintenant clairement qu'Ethan est un criminel.

— Quand même, franchement...

— Quoi ?

— Oh rien rien. Je m'abstiendrai de te taquiner.

— Mon état va très bien, tu peux y aller.

— Quand tu auras désenflé, oui oui.

— Argh, non, j'avais presque oublié... t'es chiante j'ose même pas te demander une glace pour voir comment je suis moche.

— Non t'es belle, tu donnes juste l'impression de t'être disputée un peu chaudement...

— C'est super rassurant ça. Au moins là ça attirera l'attention sur moi...

— Mais nooooooon. Je blague tu n'es pas si enflée que ça, ça va. Là je te dis, une semaine tu as plus rien.

— Mmmmh...

— Ben oui. Par contre avant de faire un pari avec toi que tu guérisses en une semaine j'attendrai que tu me promettes de plus faire la téméraire ou des conneries comme ça, parce que sinon ça tient pas hein.

— Oh, allez, tu me connais.

— Oui ben justement. T'es ma meilleure amie.

J'échange avec elle un sourire, et on joint nos mains. Durant de longues secondes.

La Panthère de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant