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Tremblante, en prenant mon courage à deux mains, j'arrive, finalement, au bout de la partie plate du toit. Je vois le balcon que je veux atteindre, mais... un immense frisson me saisit toute entière, en me parcourant l'échine et en tétanisant mes membres. Il y a un bon mètre de distance encore, et je ne peux pas m'avancer davantage sur le toit. À part de grimper sur la partie en pente du toit, mais ça non, pas question, c'est la mort assurée.

Putain, je ne l'ai pas vu avant. Je vais devoir sauter un ou deux mètres au-dessus du vide. Et retomber sur la terrasse du balcon. De là où je suis ça paraît être un gouffre infranchissable. Et si je tombe... c'est la mort...

Avec ce vide en-dessous c'est terrifiant. Rien que de regarder en bas me fait agripper par réflexe la moindre prise avec mes mains, me fout des fourmis dans les jambes, rend mes mollets lourds, mes jambes flageolantes.

J'ai juste envie de revenir en arrière. Mais... non, je ne peux pas abandonner. Je ne peux pas. Pas maintenant. Ce n'est qu'un mètre, peut-être même pas. Je peux le faire.

Je bloque ma respiration, les muscles tendus. Je prends un peu d'élan, et, sous une impulsion d'adrénaline, je bondis droit devant moi en me lançant de toutes mes forces.

Je retombe sur le sol du balcon et m'écorche les mains. Mais je suis vivante. J'ai réussi. Je l'ai fait.

Mon cœur bat fort et me fait mal tant il était empli d'adrénaline.

Je me redresse à moitié. Mais je me rends compte, maintenant, que j'ai fait une grosse connerie... comment je vais faire pour revenir en arrière, maintenant ? Je ne peux pas effectuer ce saut dangereux dans l'autre sens, c'est impossible. Et... je ne peux pas entrer dans la pièce non plus, je crois qu'il y a des gens. Je suis piégée... bloquée sur ce balcon...

Soudain, j'entends la belle, et ferme voix d'Ethan. Ça provient de l'intérieur de la pièce. Puis une autre voix, qui lui parle. Je tends l'oreille, le cœur battant à tout rompre, cachée et en retrait sur la terrasse. Suffisamment loin de la porte-fenêtre pour ne pas être vue.

— Je ne sais pas si j'aurai assez d'argent pour mener le projet à bien, j'ai besoin de ton soutien, fait la voix de la personne que je ne connais pas.

— Va mourir, cette fois. Je ne te sauverai plus la gueule, et ne te filerai plus d'argent, cette fois-ci. T'as atteint les limites de ma patience...

— Mais putain, déconne pas... je vais louper l'occasion si tu m'aides pas ! Ils ne toléreront pas que je leur fasse défaut sur ce coup...

— C'est ton problème.

Une seconde ou deux de silence. Puis :

— T'es pas en danger immédiat de mort, j'vais te filer aucune thune. Tu m'en dois déjà trop. Et même si tu l'étais, ça fait un moment que je te mets en garde.

La voix d'Ethan se fait glaciale. Il a un ton très calme, froid, presque paternaliste, de celui, bien supérieur, qui vole à mille lieues au-dessus des petites considérations de son interlocuteur.

— Tes délires et tes petites combines dégoûtantes ne me concernent pas. J'étais venu vite fait, saluer quelques personnes, pas pour que tu me parles de ça.

— Apporte-moi au moins ta protection verbale, t'as toutes les relations à Paris qui pourraient s'en tenir garants, apporte-moi au moins cette protection.

— Non.

Il paraît maintenant agacé par son interlocuteur. Et n'apprécie visiblement pas d'être retenu si longtemps ici.

Ils ont arrêté de parler. J'espère qu'ils ne vont pas se battre. Je ne peux pas voir ce qu'il se passe sur les lieux, sans me décaler vers la porte-fenêtre et donc risquer de me faire repérer. Il y a un silence inquiétant. Ça ralentit les battements de mon cœur

La Panthère de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant