La Panthère de Lumière

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Il fait bientôt les premiers essais, et vérifie qu'on me voie dans le cadre. Il adopte un meilleur angle de vue.

— Ça prend bien ?

— Ouais.

Je respire et me détend avant d'exécuter la scène. Je suis prête à rentrer dans la peau du personnage. Je recule un peu pour passer la porte.

J'y disparais un moment.

Puis je reviens, désormais dans mon rôle.

J'approche en me glissant contre la paroi.

Mais je ne fais que quelques pas qu'il m'engueule :

— Qu'est-ce que tu fais ? gronde-t-il, furieux. Mets-toi à couvert. Fléchis-toi ! Le mec peut se retourner à n'importe quel moment, surtout quand il marche. Dans la vie réelle, ça se passera mal pour toi, madame la pierre précieuse, si tu te fais choper.

— Alors, quoi ? Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?

— Il faut se mettre dans la situation. Tu veux être une bonne actrice ? Alors je vais t'apprendre à être une bonne actrice. Ce que tu vis derrière la caméra, tu pourrais très bien le vivre dans la réalité. En entrant dans le champ de la caméra tu dois donner cette impression : la peur d'être découverte. La terreur doit se lire sur ton visage. C'est ça, se mettre dans la peau du personnage. Le film n'est qu'un moyen d'expier les souffrances que nous vivons dans la réalité, il n'en est que le miroir. C'est à cette condition seulement que ton personnage prendra vie, et que tu seras totalement naturelle.

Après réflexion, je ne peux qu'acquiescer.

Je me dirige vers la sortie de la salle, et disparais à travers l'ouverture.

Pendant ce temps il retourne vers le pied de caméra et croise les bras une fois en poste. En attendant que je revienne.

Je prends mon temps.

Il décide de se mettre à marcher, incarnant son personnage. M'encourageant à venir.

Quand il entend un bruit furtif à quelques mètres dans son dos il sourit.

— C'est pas mal, mais tu n'y es pas encore, dit-il avant de se retourner.

Accroupie, je me relève. Je fais une petite moue. Putain qu'est-ce qu'il est dur comme chef. Et comme metteur en scène. Il n'en laisse pas passer une. Il ne tolère pas la moindre erreur.

— Tu m'entraînes pour devenir une cambrioleuse ? On n'a pas vraiment besoin de faire aussi réaliste... je crois... enfin, moi je dis ça, je dis rien...

— Bien sûr...

Il me dévisage en souriant, aussi beau qu'impudent, puis se retourne et me dit, tout aussi sèchement :

— Essaie encore.

Il me fait refaire la scène plusieurs fois, encore et encore, mais à chaque fois il trouve un truc qui va pas. Juste par sadisme. J'en suis persuadée.

— Pas vraiment mieux, ton ombre sur le mur... me gouaille-t-il, sans même prendre la peine de se retourner vers moi.

Oh je le déteste.

— Tu fais chier !

— C'est la première fois que tu tournes une vraie vidéo, hein ? Sans tes amies pour te faire des câlinous, pour te brosser dans le sens du poil. Hein madame l'agate. Première fois que tu as un boss qui ne laisse rien passer...

Me gardant de commentaires qui auraient pu être désagréables, je fais une moue rageuse et obtempère, tourne le dos et retourne docilement dans le précédent lieu afin de me préparer à refaire la scène. Une énième fois.