Ce soir, je traîne près du parc du Paillon. Laetitia est déjà rentrée chez elle, et comme la nuit est tombée maintenant, je m'apprête à faire de même, après avoir bu un dernier verre avec des amis. Je me dirige à pied vers les transports en commun. Quand tout à coup j'entends des cris.
Ça vient d'un coin du parc. Oubliant toute prudence, je me mets à courir en direction des cris. Mes cheveux battant l'air à ma suite je tente de déterminer d'où proviennent les hurlements. L'espace vert est déjà pratiquement désert, et les quelques badauds qui restent ne semblent pas avoir le courage de se mêler de cette rixe. Les plaintes déchirantes se poursuivent.
Je continue de courir, me fiant au son des lamentations qui se font plus tonitruantes à mesure que je me rapproche de l'endroit. Je repère un endroit assez boisé, proche de plusieurs arbres. C'est là. J'effectue encore quelques pas, et arrive enfin sur le lieu de la violente scène ; je vois ces personnes un peu plus loin.
Sur la pelouse et près d'un arbre, plusieurs nanas s'acharnent sur une quatrième déjà au sol. Elles lui donnent des coups de pieds incessants et parfois des coups de poing, alors que la victime essaye de se rouler en boule pour se protéger le visage.
Je m'exclame :
— Hé ça va pas la tête ?!
Les filles se retournent vers moi. L'une d'entre elles me lance :
— Casse-toi, toi !
Un frisson me parcourt. Une partie de moi me dit de prendre mes jambes à mon cou, et d'aller essayer de trouver de l'aide. Mais une autre partie de moi me dit que si je laisse faire ces voyous, si je les laisse continuer de manquer autant de respect, je ne me respecterais pas moi-même.
Les trois meufs reportent leur attention sur celle qui est à terre et lui crachent dessus. Mais elles ne s'attendent pas à une telle réaction stupide de ma part : je donne à l'une d'entre elles une magistrale gifle en pleine figure, ce qui la sonne quelques secondes. Les deux autres se rendent aussitôt compte de ce qu'il se passe : la première bondit immédiatement sur moi ; dans ma panique, je me rappelle d'une petite technique que m'a apprise Emily et la laisse m'empoigner ; j'utilise alors le poids de mon adversaire contre elle et, dans un ultime effort parviens à la renverser, en manquant tomber moi aussi. La troisième fille hésite, voyant que je me bats comme une diablesse. Puis, après avoir échangé un vif regard avec celle qui vient tout juste de se remettre difficilement de la baffe donnée, avec plus de force que de raison, elles tournent les talons et partent en courant. Probablement parce que je les ai prises par surprise.
Je reste immobile, le sang glacé, ne tenant debout que par ce qui me reste d'adrénaline. Les trois filles sont maintenant parties, et l'incident a attiré quelques passants intrigués. C'est sans doute aussi ça qui les a mises en fuite : l'arrivée de témoins. Mais je ne me remets pas de l'affrontement. Je tremble. Ce n'est que lorsque la fille à terre essaie de se relever tant bien que mal que je parviens moi aussi à bouger.
Les jambes en coton, en essayant de ne pas perdre l'équilibre, je lui tends la main. Mais tandis que la fille s'en saisit, j'ai l'intuition de sortir mon téléphone, comme à chaque fois qu'il se passe un truc de fou et que mon premier réflexe est de le filmer. La nana me prend la main et se redresse lentement, devant la caméra. Elle semble mal en point, elle a pris beaucoup de coups. Elle saigne un peu sur le visage. Mais rien de grave, à part qu'elle va avoir des hématomes partout sur le corps.
— Merci... dit-elle d'une voix encore souffrante mais qui témoigne de sa gratitude.
Je suis toujours aussi ébranlée par ce qu'il vient de se passer, mais entendre les gens chuchoter autour de moi me fait peu à peu recouvrer la conscience de la situation. Je range mon téléphone.
— Comment tu t'appelles ? demandé-je à la fille.
— Anaïs.
— Moi Agathe.
Je jette un coup d'œil autour de moi d'un air inquiet. Puis je lui dis :
— Il faut que tu fasses soigner tous tes coups.
Elle acquiesce, et j'ajoute :
— Tiens, prends mon numéro, tu me diras si tu vas mieux. Tiens-moi au courant.
On échange nos contacts, et je reste avec elle jusqu'à ce que quelqu'un vienne la chercher en voiture. Peu de temps après, après avoir discuté avec eux et reçu leurs remerciements, sa famille me ramène chez moi.
Je me rends compte que j'ai eu beaucoup de chance. Ça aurait pu très mal tourner. Mais elles ont fui, heureusement.
Une fois à mon appartement, je retrouve une certaine sécurité. Je ferme la porte d'entrée, et soupire calmement. Ça va mieux. Je n'ai pas de bleus, alors ma mère ne risque pas de me poser des questions.
* * * * *
La première chose que je fais, en m'affalant dans ma chambre après être passée par la salle de bain, c'est de téléphoner à Laetitia.
— Tu sais pas ce qui m'est arrivé.
— Quoi ?
Je respire longuement, couchée sur le dos.
— Une fille s'est faite agresser près du jardin du Paillon, je l'ai défendue, et j'ai réussi à faire mettre en fuite ses agresseuses. J'ai eu trop de la chance en vrai.
— Tu jures ?? s'estomaque Laetitia.
— J'te promets.
— Tu prends que des risques idiots depuis que tu pourchasses Ethan, toi. Quand même, il te fait trop tourner la tête.
— Ça n'a rien à voir là, je pouvais pas la laisser se faire taper sans réagir.
— Oui, je comprends.
Puis elle enchaîne directement :
— Elles t'ont pas tapé au moins ??
— Non j'ai eu de la chance.
— Putain tu m'as fait trop peur.
On décide de continuer la conversation par messages. Entre deux textos, tandis que la luminosité produite éclaire mon visage dans la lumière assez tamisée de ma chambre, je retrouve la vidéo, que j'ai prise et enregistrée. On n'y voit pas toute l'agression, mais on y perçoit clairement que je viens de sauver cette fille qui porte encore les traces de son passage à tabac. C'est dingue, les gens n'ont tellement pas réagi, ils ont tous détourné le regard et laissé cette jeune fille se faire continuellement tabasser alors que ses cris déchirants résonnaient autour. Ils ont continué leur chemin, de peur de se prendre un coup eux aussi. La société apprend tellement aux gens à être lâches et individualistes... de ne penser qu'à leur petite personne... ah, putain, voilà que je pense comme Ethan maintenant, pfff.
Je pense envoyer la vidéo à Laetitia, sans doute pas à d'autres car je ne veux pas passer pour une héroïne ou quoi. Mais d'abord je prépare un petit message pour Ethan. Texte auquel j'ajoute la vidéo. J'hésite quelques secondes, puis je franchis le cap et envoie le tout. Le message, suivi de la vidéo, est rédigé en ces termes :
Voilà ce que c'est que de faire le bien, monsieur Al Capone.
Cinq minutes s'écoulent, avant que je ne reçoive la réponse. Mon cœur se met toujours à battre plus fort quand je vois le prénom du jeune homme s'afficher. Et cette fois-ci encore plus. Je prends tout mon temps pour ouvrir le message, dégustant absolument chaque instant. Puis, n'y tenant plus, j'en prends connaissance.
40 %
Je ne comprends pas ce qu'il veut dire, alors j'écris :
Quoi ?
40 % de ta mue de faite, miss justice.
Oh... et lorsque je serai à 100 % ?
Alors, tu feras un choix... et selon ton choix, je te ferai découvrir le monde que tu mérites...
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La Panthère de Lumière
RomanceQui est ce jeune homme rebelle et mystérieux, qui parcourt la ville sur sa moto noire pour y faire régner sa loi ? Pourquoi m'a-t-il sauvé la vie ? Et pourquoi repousse-t-il toutes mes tentatives pour essayer de le connaître ? Pourquoi est-il à la f...