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"Plus de blague sur le fait que tu vas me quitter pour le premier venu. Ni sur un potentiel divorce. "

-Ken Samaras


Point de vue Ken Samaras.

La lettre posée entre nous sur la table de la cuisine semble me dévisager d'un mauvais oeil. Honnêtement, je savais qu'elle finirait par le découvrir, mais je pensais que ça prendrait plus de temps, ou au moins que l'autre folle aurait fini par se lasser avant. Mais ce n'est pas le cas. Comme le prouve la lettre entre nous.

La journée a pourtant très bien commencé, ce qui est un peu un comble quand on sait comme celle de la vieille s'est terminée. Moi, seul, sur mon canapé à l'attendre comme un con, parce que j'aime pas aller me coucher sans elle. Même quand on se dispute, ce qui arrive bien plus souvent que ce les gens peuvent imaginer de l'extérieur. Jamais de grosses embrouilles, mais de petites disputes, parce que nous avons tous les deux de fort caractère et qu'on est aussi buté l'un que l'autre.

Bref, elle était dans mes bras quand je me suis réveillé. Elle m'a souri un quart de seconde avant de partir à la douche puis elle a déposé les petits à la crèche avant de récupérer cette putain de lettre et de la poser sous mes yeux.

Je vais en prendre plein la gueule. J'ai même pas d'argument pour me défendre à part que je ne voulais pas qu'elle s'inquiète. Ces messages ruinent mon mood chaque fois qu'on en trouve un nouveau, je ne voulais pas infliger ça à Dinah alors qu'elle est si sensible. Peut-être aussi que je ne voulais pas qu'elle sache avant d'avoir trouvé une solution au problème. Lui montrer que je suis utile. Je chercherais toujours à lui prouver que je suis utile. Vanité quand tu nous tiens.

-Dis quelque chose, elle finit par craquer.

J'ai bien envie de lui dire « je sais pas quoi te dire » ou « j'ai rien à te dire » mais ce sont ces expressions pas les miennes, oh et le fameux « qu'est-ce que tu veux que je te dise ? ». Je sais à quel point il est chiant celui-là.

-Combien ?, elle ajoute.
-Une dizaine peut-être.
-Depuis quand ?
-J'ai récupéré la première, le jour de mon enterrement de vie de garçon.
-Je veux les voir.
-Non
-Ken tu peux pas décider de ça tout seul.
-Je les ai lu, fais moi confiance, tu veux pas savoir.

Je peux la voir bouillir de l'autre côté de la table. Elle est largement en droit de voir ces lettres, elle est largement en droit d'être en colère contre moi. Mais, quand j'ai décidé que je ne lui montrerais pas la lettre au départ, puis les lettres quand les autres ont commencé à arriver ce n'était pas au hasard. J'ai peur de la réaction qu'elle pourrait avoir à leur lecture.

J'ai peur qu'elle ne bloque. Comme elle a fait après le décès de Marc. Certes ce n'est pas exactement la même chose, mais je ne veux pas prendre le risque.

-C'est pour ça que t'es derrière mon dos, depuis des mois. Je pensais que c'était l'histoire avec Marcus, mais en faite ce sont les lettres.
-Au départ, c'était bien Marcus, je confesse doucement.
-Ken, elle dit posément.

Quand elle pose sa voix de cette manière, je sais que ce n'est pas une bonne chose. La suite ne va pas aller dans mon sens.

-Il y a deux solutions. Soit, tu me montres volontairement ces lettres. Mes lettres parce qu'elles me sont adressées. Soit, je retourne cet appartement jusqu'à les trouver. Dans tous les cas, je les lirais. Je vais sortir fumer une cigarette à mon retour, je considérerais que tu as pris t'as décision.

Elle plonge sa main dans un des pots installés sur le plan de travail de la cuisine, en ressort son paquet de clopes avant de sortir sur le balcon terrasse de l'appartement. Si elle cherche, elle va trouver les lettres. Ce n'est pas non plus comme si je pouvais les détruire. Ça reste des preuves.  À contrecoeur, je me rends dans notre dressing et ouvre l'un de mes tiroirs. J'en ressors la pile de lettres que je dépose sur la table de la cuisine.

STORMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant