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"Je vais chercher Nek, histoire qu'il fasse pas un truc qui le conduise en prison."

-Hakim Akrour

Point de vue Dinah Duval.


-Respire meuf,

-J'arrive pas.... Tu sais comment il est. Quand il est en colère contre moi, il... mes mots se perdent, ma vue se brouille.

La crise d'angoisse a commencé à poindre le bout de son nez à la minute, non à la seconde où il a passé le pas de la porte. Je ne regrette pas qu'Hugo lui ait dit de partir. C'était la bonne chose à faire. Je suis juste morte de peur à l'idée de ce qu'il pourrait faire, parce que quand il est en colère contre moi... La pensée ne veut même pas s'imprégner, elle refuse de passer la barrière de ma conscience et pourtant j'ai des milliers de flashs back de ces différents coups bas qui me reviennent à l'esprit. Je peux rien faire, sauf perdre le souffle et avoir la sensation de tomber dans un puits, m'étouffer, me noyer, bruler vive.

-Il.. il, je tente de communiquer sans succès.

Hugo est perdu, il ne sait pas comment réagir et dans le même temps, il comprend qu'il ne doit pas me laisser seule ici. Si j'avais la force de me concentrer sur lui, je pourrais voir de la fumer sortir de ses oreilles tant ça tourne dans son cerveau. Mais je peux pas, ce que je comprends, c'est la nausée, le poids sur ma poitrine, les larmes dans mes yeux.

Je perçois tout de même du bruit, des pas, des objets déplacés, des insultés peu fleuries, et puis de la musique. Bach. Je l'ai fait tellement souvent que mon corps réagit avant mon esprit. Ma respiration se colle au rythme de la musique et peu à peu, tout semble devenir plus claire.

Alors que je me trouvais prostrée sur le sol du salon, des mains me saisissent fermement et me forcent à m'installer sur le canapé, puis c'est un verre d'eau qui apparaît dans mon champ de vision. Je l'attrape et le liquide me donne la sensation de ne pas avoir bu depuis des jours. Enfin calme, je me reconnecte avec la réalité, la fatigue s'abat sur moi alors que je reconnais l'instigateur de l'aparté musical m'ayant aidé à retrouver mon calme.

-Hakim.

Parfois j'oublie à quel point il me connait. Sans doute parce qu'avec le temps, j'ai réussi à oublier les sentiments qu'il a un jour eu pour moi. La vérité c'est qu'à cause d'eux ou grâce à eux, il me connait par coeur. On se parle maintenant, mais c'est plus pareil. Ce ne sera jamais plus comme avant. C'est peut-être mieux d'ailleurs.

Sa voix grave me rappel une nouvelle fois à l'ordre.

-Tu l'as fait ?

Je me tourne vers Hugo et son air contrit. Je suppose sans trop me mouiller qu'il est le responsable de la présence d'Hakim dans cette maison et qu'il n'est pas étranger à la question que l'algérien vient de me poser.

-J'ai dû lui dire pour qu'il vienne. À un moment j'ai cru que t'avais arrêté de respirer, il se justifie.

-Alors ? Tu l'as fait ou pas.

J'hausse les épaules, lasse de la situation. D'habitude j'aime bien répondre aux gens que je ne sais pas quoi leur dire. Ici, je ne sais pas si c'est vrai.

-Quand je suis rentrée de Corée...

-On s'en fout, t'as couché avec ce type ou pas ? me coupe Hakim.

Je ne me démonte pas pour autant et reprend là ou j'ai commencé.

-Quand je suis rentrée de Corée, Gabriel, m'a dit qu'il y avait des rumeurs sur moi. Comme quoi j'aurais couché avec le Marcus en question. Que c'est lui-même qui l'affirmait, que se serait arrivé quand j'étais sur Londres. Sauf que je me souviens pas de ces jours-là, donc j'ai laissé couler le truc.

Hakim passa la main devant son visage avant de me répondre :

-Donc tu sais pas ?

Je secoue négativement la tête pour confirmer.

-Tu penses que si je savais j'aurais passé des années à lui mentir ? Déjà de base je sais pas mentir, encore moins à Ken. Et puis même Marcus Saint Exupéry ... Sérieusement, même avec trois grammes dans chaque bras je peux pas y croire. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai jamais épilogué sur cette histoire.

Le silence s'installe dans la pièce. C'est idiot hein, mais j'ai la sensation qu'il fait froid, que cet appartement que j'aime tellement, que j'ai choisi en imaginant toute une vie venait de perdre ses couleurs, sa chaleur. Il manque quelque chose et la réponse n'est pas difficile. Ken. Je veux Ken.

-Va dormir, conclut Hakim en se relevant dans la table basse sur laquelle il se trouvait. Je vais chercher Nek, histoire qu'il fasse pas un truc qui le conduise en prison.

-Je peux venir, j'affirme en commençant à me redresser.

-Non, tu sais aussi bien que moi l'état dans lequel il doit être, il pousse un profond soupire avant de terminer. Mais franchement, vous êtes des emmerdeurs.

Il quitte l'appartement et je sais qu'il a fait en sorte de rester polie en nous qualifiant d'emmerdeurs. Si j'avais été plus d'humeur à faire des blagues, j'en aurais fait sur ce mot sortant de la bouche de Mekra. Emmerdeur, la blague.

-Je suis sûr que ça va bien se passer, se manifeste Hugo en m'aidant à débarrasser le reste de notre repas avorté. Sans toi, il est plus vraiment lui-même.

-C'est gentil ça Hugo. Mais je doute un peu. On sait pas où il est, ce qu'il fait. Et quand il est en colère..., encore une fois je ne parviens pas à mettre des mots sur mes pensées.

Ce n'est pas nécessaire, le beatmaker la parfaitement compris. Ce n'est pas pour rien qu'Hakim parlait de lui faire éviter la prison. Ces colères sont parfois si violentes. Et ça faisait si longtemps que je n'en avais pas eu un avant-goût, que celui me laisse comme quelque chose de cendré sur ma langue.

-Qu'est-ce que tu vas faire, je lui demande en l'observant se mouvoir dans la cuisine.

-Comment ça ?

-Pour Camille.

Il arrête son mouvement, puis se tourne avec réticence dans ma direction. Je ne savais pas à quel point Hugo peut être dur. Sa discrétion, empêche qu'on le ressente. Lui qui ne s'impose jamais, qui se contente de laisser parler son talent.

-Je fais pas dans les emmerdeuses, il répond d'un ton tranchant.

-Hugo, je murmure sentant la déception derrière ses mots.

-C'est con hein, parce que je te jure que la première fois que je l'ai vu dans la brasserie, j'ai eu l'impression de la reconnaître, on a connecté de ouf toute suite. Je me suis dit que c'était peut-être ma chance, mon tour, de l'avoir aussi cette relation pour laquelle vous êtes tous prêt à mettre vos vies de côtées. Sauf que je veux pas d'un meuf qui crée des embrouilles.

Je suis peiné de voir la douleur dans son regard. C'est aussi le moment où je prends conscience que mes années de thérapie n'ont pas été vaine. La culpabilité n'apparaît pas. Je ne suis pas responsable du comportement de Camille, je lui ai tendu la main et elle a craché dessus. Son choix. Alors oui, d'après ce qu'elle a elle-même murmuré à mon oreille, elle pensait que Ken était au courant pour Marcus. Mais même dans ce cas, elle n'avait pas à intervenir dans mon couple pour raconter à mon fiancé, s'il l'est toujours, ce qui fait partie des moments les moins glorieux de ma vie.

Pourtant à demi-voix je réponds tout de même à Hugo :

-Je suis désolée

-C'est pas ta faute.

Non ce n'est pas ma faute, je suis quand même désolée. C'est quelqu'un de bien Hugo, il ne devrait pas avoir à choisir entre la femme qu'il aime et son ami de longue date. Il devrait avoir la vie facile Hugo.

-Je décale, il reprend au bout d'un moment. Tu fais attention à toi.

Je secoue la tête et ferme la porte après lui. Je passe dans la chambre des aliens pour vérifier qu'ils sont bien endormis, puis je me couche en sachant pertinemment que malgré la fatigue le sommeil va me fuir. 

STORMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant