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"Ça fait du bien de se sentir désiré"

-Ken Samaras-Duval

Point de vue Dinah Samaras-Duval.

J'ai beaucoup pensé à cette colère que peut-être je refoule. Est-ce qu'elle est vraiment là, si elle est là pourquoi est-elle dirigée contre mon mari. Pourquoi est-ce que je ne l'ai pas vu plutôt ? La première question est assez facile à répondre. Oui, je suis en colère. Je ne suis toujours pas certaine de comprendre pourquoi elle est dirigée contre Ken.

Quand j'y réfléchis intensément, je peux presque ressentir sur le bout de ma langue son goût. Giouvetsi. La spécialité de la grand-mère de Ken. Plus qu'une spécialité une obsession. On en mangeait presque trois fois par semaine. Sur la fin, j'avais la sensation que mon sang était composé de Giouvetsi.

Pourtant le Giouvetsi n'est pas un mauvais souvenir bien au contraire. Après mon accident de voiture et les quelques semaines que nous avons passées en Indre-et-Loire, Ken nous a conduit en Grèce. Il avait toujours dit qu'il m'emmènerait. Je regrette seulement les circonstances qui ont précipité la décision. Nous étions heureux. Sur son ile avec ses grands-parents. Nous étions heureux. Nous ne sommes pas juste allés en Grèce.

Soline Samaras-Duval est née en Grèce, le 27 juillet 2024 à 14h.

Si la grossesse des triplets a été extrêmement difficile, pour Soline les choses n'auraient pas pu être plus différentes. Passé le premier trimestre, les nausées qui m'ont presque abattu la première fois, ont disparu. Alors non, ce n'était pas la joie, être enceinte n'est et ne sera jamais un plaisir de mon côté. J'ai détesté voir mon corps changer, j'ai détesté avoir de plus en plus de mal à me déplacer. Mais, j'étais en bonne santé et Soline également. En bonus, pas de césarienne pour l'accouchement ce qui m'a permis de retrouver la forme plus rapidement.

Même si j'ai accouché sur le continent et non pas à Lebos où vivent les grands-parents de Ken et où nous nous trouvions. Vivre sur la petite ile était absolument fanatique. Être à proximité de la mer, auprès de gens simples. Oui, j'ai aimé.

Mais ce n'est pas que Soline. Après sa naissance et les premiers mots d'adaptation à sa présence. Ken et moi avons fait ce que nous nous étions promis de faire des années plutôt sans jamais trouver le temps. De la musique. Le quatrième album de Nekfeu. La plus belle déclaration d'amour qu'il n'ait jamais écrit, à moi, à nos enfants. Il n'est pas juste entré dans mon univers, dans ma bulle. C'était plus que ça, une fusion, une osmose. Je n'ai toujours pas les mots pour le décrire. J'aurais aimé qui nous puissions rester là-bas. Nous étions bien là-bas.

Mais nos vies parisiennes ont commencé à manquer. Les triplets prenaient de l'âge, il a fallu pensé à leur éducation et leur rentrée prochaine en primaire, alors nous sommes parti. Le retour à Paris fut brutal, depuis notre petite ile nous n'avions pas réellement pris la mesure du succès de l'album , très rapidement, il a été question de cliper certains morceaux et surtout pour Ken et le S de retrouver les tournées. Et moi. Moi, je me suis retrouvée seule à la maison avec quatre enfants en bas âge.

C'est de là que vient la colère et son goût de Giouvetsi je suppose. Cet album ce n'est pas juste le sien, c'est le mien également, le nôtre. Et pourtant, il est celui qui a le droit de le défendre face au public français, il est celui qui a le droit aux acclamations, aux remerciements, aux prix. Moi j'ai droit aux pleurs, aux cris, aux couches. Sauf qu'à l'origine j'en voulais même pas des enfants.
Le plus con et c'est sans doute pour cela que je me suis tant voilée la face, c'est que j'ai conscience que je n'ai pas le droit de me plaindre. Le mari, les enfants, la carrière. Ma carrière est au point mort. J'ai bien entendu droit au retombé de l'album, mon nom est plus que jamais inscrit dans l'histoire des beatmaker français si tant est qu'elle existe. Mais ce n'est pas suffisant, je veux, non j'ai besoin de plus sans savoir quoi de plus.

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