057

949 77 15
                                    


« Ma voiture, mes enfants, je commence à me dire qu'il en a après moi. »
Dinah Samaras-Duval

Point de vue Ken Samaras.

Elle termine le morceau, doucement ses doigts cessent de courir et quand enfin ils s'arrêtent, sa main vient rejoindre la mienne. Elle la sert avec force et je comprends que j'ai bien fait de venir. Aujourd'hui encore j'ai du mal à savoir exactement qu'elle est la meilleure méthode, la meilleure façon d'agir avec Dinah. Lui laisser de la place, insister, lui poser des questions, la laisser se confier quand elle jugera que c'est le bon moment. Toutes ses questions doivent être balancées avec mes propres désirs. J'aurais toujours envie, non besoin, d'être proche d'elle, de l'avoir près de moi. Car dans mon esprit c'est ainsi qu'on aime.

Alors non, notre relation n'est pas fusionnelle, mais c'est de son fait à elle. Elle maintient une sorte de distance de sécurité entre nous. Je dois apprendre à vivre avec. Mais quand elle est mal comme en ce moment. Cette distance me rend fou.

-T'es venu
-Je sais pas si c'est ok.
-C'est plus qu'ok.

Elle se décale sur le banc pour me laisser de la place. Je m'y glisse avec le plus d'habilité possible.

-Tu veux écouter quelque chose en particulier ?

J'hausse les épaules. Non j'ai pas envie d'écouter quelque chose en particulier, je veux juste être là avec elle. Et je suppose que ça suffit parce que ses doigts reprennent leur course. Je reconnais le morceau dès ses premières mesures. Ma chanson, celle qu'elle a écrit pour moi pendant qu'elle se trouvait aux Etats-Unis. Mais il y a quelque chose de nouveau dans la manière dont elle la joue, de plus épaisse.

-Je l'ai un peu changé. Je crois qu'elle est mieux comme ça.

Je secoue la tête pour lui donner raison, en réalité, je n'ai pas trop d'opinion sur la question. C'est son domaine, son univers, sa chanson. Même si elle l'a écrit pour moi.
L'instant me fait penser aux moments que nous avons partagé quand nous étions en Grèce, quand nous avons écrit cet album qui semble la source de nos problèmes d'aujourd'hui. Je ne peux pas penser de manière négative à cette période, je crois que ce qui fait le plus mal c'est le gap, entre ce que nous avions à ce moment-là et ce que nous avons maintenant.

-Les garçons ? Elle demande quand le morceau prend fin
-Chez Hakim.
-Ma voiture, mes enfants, je commence à me dire qu'il en a après moi.
-Il t'as rendu ta voiture. Je suis presque sûr  qu'il va faire pareil avec les enfants.
-Hmm, je sais pas. Peut-être qu'il peut les garder.
-Tu le supporterais pas.
-Non c'est vrai, je les aime nos terreurs, elle hausse les épaules et me sourit. T'as mangé ?

D'un signe de la main je lui indique que non, et elle se redresse du banc avant de me tendre une main. Nous nous rendons main dans la main jusqu'à la cuisine où elle se met à farfouiller dans le frigo.

-J'ai pas grand-chose à te proposer, j'ai été un peu ailleurs. J'ai pas vraiment fait de courses.
-Ce que tu veux Sorcière, ça m'ira.
-Salade de lentille alors.

Elle sort du frigo des tomates et du fromage de brebis, avant d'attraper un pot contenant les lentilles.

-Parle-moi.

Je demande alors qu'elle commence à couper ses tomates. Ce qui est bien dans ces moment-là, c'est que je n'ai pas besoin de développer pour qu'elle comprenne où je veux en venir.

-Ok, autant que faire ce peux.
-T'es au courant que ça ne veut rien dire ?

Elle se reconcentre sur ses tomates et termine de les couper avant de se tourner vers moi.

STORMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant