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« Parce que tu crois que je peux la poursuivre, quand je sais que t'es ici et que tu ne vas pas bien ? »

Mars 2027
Point de vue Dinah Duval.

-J'ai pas osé lui parler, je murmure en refusant de jeter un regard à mon psy.
-Pourquoi ? Il sait que nous avons augmenté le nombre de nos séance, donc il sait que quelque chose ne va pas bien?
-Je ne me vois pas l'asseoir autour d'une table et lui dire. Mon psy pense que je suis en colère contre toi parce que tu vis ta meilleure vie alors que je suis à deux doigts de passer femme au foyer.

Il descend ses lunettes sur le bout de son nez, et je sais par avance ce qu'il va me dire. Je me contente de me triturer les ongles dans l'attente de la sanction.

-Dinah, nous avons parlé à multiple raison du sarcasme. Pourquoi vous ne devez pas l'utiliser dans ces circonstances.
-Je sais.
-J'aimerais que vous me le répétiez.
-Je ne peux pas utiliser le sarcasme parce que cela délégitimise des émotions que j'ai déjà du mal à accepter.
-En y croyant cette fois.
-Je peux utiliser le sarcasme parce que cela délégitimise des émotions que j'ai déjà du mal à accepter, je répète avec plus de conviction. Mais ça ne change rien au fond. Je peux quand même pas lui dire ça, parce que là je sais qu'il ne vit pas sa meilleure vie. Je sais que ça le déchire d'être loin de nous en permanence. C'est pour ça qu'il voulait pas sortir le projet, je finis par confesser en reniflant. Comment est-ce que je peux lui en vouloir ou être en colère contre lui alors que, je lui ai dit de sortir son quatrième album. Je lui ai dit qu'on était assez fort pour le faire, qu'on survivrait à la distance, à la fatigue, au manque, à la pression des médias. Et c'est pas le cas, je balaye les larmes qui coulent sur mon visage.
-Contre qui êtes vous en colère Dinah ?
-Moi. Je suis folle de rage contre moi, je dis en prenant conscience à quel point c'est vrai. J'ai rasé mes cheveux et passé des mois dans Ashram en Inde pour être toujours au même stade sept ans plus tard ? C'est quoi le but de tous mes efforts si à la moindre contrariété, j'en reviens exactement au même point ? 
-Je ne dirais pas la moindre contrariété mais je vais passer ce point. Vous êtes vraiment au même point qu'il y a sept ans ?

Je passe à nouveau mes mains sur mon visage pour balayer mes larmes. Nerveuse je ne parviens pas fixer un seul point, mon regard va dans tous les sens.

-Non, j'admets du bout des lèvres.
-Pourquoi ?
-Parce que plutôt que fuir l'aide qu'on peut m'apporter, je la cherche.
-En ce qui concerne l'aide professionnelle, je suis d'accord vous êtes venu me voir plus souvent. Qui dans votre vie est capable de vous apporter le plus de soutien ?
-Ken.
-Vous devez lui parler Dinah. 

La grande aiguille de l'horloge accrochée au mur indique la fin du rendez-vous. Je sors du bureau, prête à courir dans tout Paris pour récupérer mes monstres à la maternelle et à la crèche, sauf qu'une fois que j'ai atteint la salle d'attente, je m'arrête brutalement sur mes pas.

-Qu'est-ce que tu fais là, je demande à un Ken assis sur l'une des chaises en velours.

Il se redresse presque intimidé par ma présence, ce que je comprends à la manière dont il déplace ses cheveux avant de replacer sa casquette dessus.

-J'me suis dit qu'on pourrait aller chercher les petits ensembles. Passer du temps ensemble, il ajoute doucement en fuyant mon regard.

On peut dire assez simplement que depuis l'anniversaire des garçons, entre nous c'est glacial. Encore une fois j'en prends toute la part de responsabilité, j'ai pas réussi à parler avec lui, j'ai pas réussi à m'appuyer sur lui. Et je crois que la séance de thérapie que j'ai dans les jambes m'a rendu à fleur de peau car je ne parviens plus à contenir les larmes qui ont commencé à couler plusieurs minutes plus tôt. Le voir là, devant moi. Comprendre que malgré moi, il s'accroche qu'il veut être là, me rappelle non seulement à quel point il m'aime mais aussi à quel point je l'aime.

STORMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant