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"Si tu me parles, je réussirai jamais à faire pipi."

-Dinah Duval


Point de vue Dinah Duval

Je connais mon corps. Oui, on va encore parler méditation, ça m'a permis, ça me permet de me centrer, d'être plus au fait avec ma propre personne, mon corps et grâce à ça j'ai une connaissance parfaite de celui-ci. J'avoue que me réveiller la tête dans le guidon avant de finir au-dessus de la cuvette de mes toilettes pour la troisième fois de la semaine était un gros indicateur.

Mais alors très gros l'indicateur. Le truc, même si tu veux, tu peux pas passer à côté.

Je crois que je savais depuis un moment, mais que je ne voulais pas l'admettre. Parce que tant qu'on n'admet pas quelque chose, ce quelque chose n'existe pas. Ouais, un truc bien con dans ce genre.

Ce matin, j'ai décidé qu'il était temps de mettre fin au déni. J'ai sorti ma tête de la cuvette, pris une douche et me suis préparée. Préparer est un grand mot, les courbatures m'ont empêchée de faire la meuf un peu trop propre sur elle. Je déteste mon corps et dans cette optique, j'ai enfilé des fringues décentes soient un sweat et jean avant de descendre à la pharmacie la plus proche.

J'ai pris une dizaine de tests sous le regard sévère de la pharmacienne. D'abord, c'est mon argent j'en fais ce que je veux, ensuite les faux positifs ça existe non ?

Les tests ne sont pas positifs.

Ce n'est pas très dur, je ne l'ai pas encore fait. Abandonnés sur ma table basse, je les dévisage un peu méchamment. Pas qu'un peu en vrai. Je suis persuadée qu'ils peuvent sentir la haine que j'éprouve à leur égard de là où ils se trouvent. Comme pour mon corps, je les hais avec passion. Le premier plus que les seconds, vingt-sept ans presque vingt-huit qu'on se supporte, on pourrait croire qu'on aurait atteint une forme d'entendre cordiale. Comment est-ce qu'il a pu me trahir de cette manière ?

Revenons-en aux tests. Je ne l'ai pas encore fait pour deux raisons. La première, je suis lâche et j'ai pas peur de me l'avouer . La seconde, j'attends d'avoir envie de pisser. J'en suis à ma troisième tasse de thé, ça ne devrait plus trop tarder.

Je suis sur le point de vivre un moment crucial. Les prochaines minutes peuvent changer de manière irréversible le cours de ma petite vie. Je ne me sens pas encore parfaitement prête à le vivre alors je le repousse. Je ne peux pas être enceinte. Pas de lui. C'est quoi cette mauvaise blague du karma ?  J'ai pas encore suffisamment morflé, il faudrait en plus que je sois enceinte de lui ?

-Putain de merde !

Ma tête se tourne sur Framal dont le corps se trouve toujours entre le salon et le couloir. Son regard est bloqué sur la pile de tests de grossesse empilée sur la table basse. J'attendais qu'il arrive et c'est un soulagement non feint de le voir ici. En coup de vent sur Paris entre deux dates,  je lui ai envoyé un sms plus qu'alarmant pour qu'il bouche ses fesses et me rejoigne à l'appartement. Sans lui expliquer la raison.

J'ai eu un peu peur de ne pas avoir le courage de faire les tests si je suis seule quand j'aurais enfin envie de pisser.

-Tu les as faits ?

-J'attends d'avoir envie de pisser, je dis en agitant ma tasse de thé.

Il fait enfin son entrée complète dans le salon et abandonne sa sacoche sur un fauteuil sans oublier d'en sortir une clope. L'odeur de tabac se consumant chatouille mes narines alors que j'envoie au rappeur le regard le plus noir que j'ai en réserve. Lui aussi doit sentir la haine que je lui envoie de là où il se trouve.

STORMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant