Revue Les Cahiers de Tinbad, n°5, 2028 (inachevé)

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C'est surtout par curiosité pour l'article de Guillaume Basquin sur le critique littéraire Asensio que j'ai acheté ce numéro de Les Cahiers de Tinbad, toujours intrigué en théorie par les revues littéraires et profitant de l'occasion d'y lire au moins un texte sûrement intéressant, voulant vérifier si, un jour, quelqu'un émit enfin un commentaire pertinent sur l'auteur du blog « Stalker ». J'ai déjà exprimé pourquoi je conserve une ultime fraîcheur à l'égard de ces revues, bien que j'en ai toujours été déçu : l'entreprise de sélection d'une « d'avant-garde » artistique, quel que soit ce qu'on entend par ce terme (qu'il s'agisse d'une reprise d'un certain classicisme ou d'une révolution stylistique), me semble pertinent, hardi et nécessaire si l'on aspire à quelque perfectionnement des Lettres françaises arrivées au point de médiocrité actuel, mais à condition qu'une telle collection fût effectuée honnêtement et selon des critères d'excellence – or, c'est justement ce que je n'ai pas encore rencontré.

L'article sur Asensio n'est pas mauvais sans être non plus très bon : c'est qu'on y trouve adjointes, comme commises, des vérités éclatantes avec des injustices fallacieuses.

Parmi les exactitudes vérifiables : « aucune maïeutique argumentaire » (page 4), « il est un bien mauvais partenaire de critique (il ne relance pas la balle, il veut faire des aces tout de suite pour vous clouer le bec) » (page 6), « négation de l'autre quand il commence à gêner, puis destruction d'icelui » (page 6), « il aurait été, petit critique, tout à fait indifférent à la production en train de se faire d'un Hello, d'un Baudelaire ou d'un Léon Bloy. » (page 7), « Il est incapable de découvrir qui que ce soit de nouveau, d'inconnu. » (page 8), ainsi que, comme j'écrivais de Gombrowicz : « ce qui est au-dessus de lui, il ne le voit pas, n'en a aucune intuition. » (page 8)

Certaines de ces formules sont si justes, connaissant Asensio, que j'aurais aimé les avoir écrites dans mes articles critiques à son endroit.

Mais voilà, elles se mêlent aussi à des proverbes d'une fausseté manifeste, à commencer par un décri récurrent pour motifs politiques (on devine que Basquin aime une « littérature de gauche »), ainsi : « Tout au plus est-il capable de prendre la défense de poids-lourds des Lettres françaises quand ils sont attaqués pour réaction droitière » (page 8), « Quant à la position pseudo-catholique d'Asensio » (page 8), « Asensio, c'est le républicard 3e mouture » (page 9), « procédé typique d'une âme aigrie, voire d'extrême-droite » (page 9), autant de considérations non seulement loin d'être sûres mais d'intérêt nul s'agissant d'évaluer un auteur ou un critique. À cela s'ajoutent des procès d'intentions puérils, quand Basquin accuse gratuitement Asensio de « haine-jalousie » (page 4), ce qu'on reproche communément aux critiques quand ils sont négatifs (moi compris) ; ou d'oser en son nom des condamnations très fermes c'est-à-dire d'être « dans le jugement » (page 4) et que « ce sont les Muses qui lui dictent, directement, ce qu'il doit dire/écrire !... » (page 4), ce qui consiste logiquement en la posture du critique qui n'efface pas ses convictions ; ou de ne pas apprécier généralement la littérature contemporaine (page 5), ce qui n'est pas nécessairement une position de principe mais peut procéder de justifications ; ou de n'être destiné qu'à une postérité qui « clouera au poteau d'infâmie les flics de la critique comme Juanito et leur ignoble besogne de démoralisation de la jeunesse littéraire » (page 9), ce qui revient à présumer fort, par contraste tacite, du destin d'une revue plutôt anecdotique telle Les Cahiers de Tinbad ; ou encore d'alimenter un blog « laid et quasi illisible » (page 9), ce dont un lecteur peu diverti par des images pourrait faire fi en se concentrant sur le seul contenu écrit (c'est qu'un critique n'est pas un illustrateur), et ce magazine n'est pas non plus un modèle de beauté graphique ; sans parler des invectives futiles et puériles, sans doute spontanées mais d'une trivialité indigne, comme : « pour rehausser son p'tit cul péteux et foireux » (page 8). Plus graves à mon sens sont les fautes de pensée par mièvrerie, les principes populaires et bêtes, comme l'idée regrettable moralement selon laquelle le critique devrait être un « passeur » (page 5) et s'abstenir d'abîmer le livre de son temps même s'il estime qu'il le mérite, et se retenir de critiquer dans l'ensemble les livres actuels parce que c'est décourageant pour le Contemporain, écrivain et lecteur, c'est-à-dire qu'alors il ne devrait pas être sincère ni même d'une certaine lucidité ! Cette contrainte de la promotion a pour moi quelque chose d'écœurant, tout ce sucre édulcoré dont notre siècle abonde, sorbitols et aspartames qui, loin d'inciter à faire mieux, ne proposent que compliments nivelés sans commencement d'émulation ; ou cette compromission avouée de Basquin, vice d'humanité que je pardonne moins facilement en ce qu'il se rapporte à une vaste constitution d'hypocrisie admise dans le milieu des Lettres : « (des fois qu'il aurait pu être un « soutien » pour certains livres de Tinbad), je m'étais décidé à entrer en contact avec lui via Facebook et à faire semblant d'être son « ami » [...], je fis semblant d'aimer ses posts sur des morts de moi inconnus » (page 6) ; et c'est ce que justement dès mon premier contact avec Asensio je n'ai pas voulu faire, commençant tôt par lui énoncer certains de ses défauts... ce qu'il me reprocha, mais c'est sans importance : j'étais intègre alors, je ne me vendais pas en servilités déshonorantes pour plaire.

Chroniques wariennes (mes critiques littéraires)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant