Chapitre 130

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Les couloirs de l'hôpital sont suréclairés par des flots de néons et ils brûlent mes rétines. Comme anesthésié, j'observe le vide, le visage blafard et la bouche entrouverte. Perdu dans d'innombrable pensée, je n'entends plus les exclamations des infirmiers ni le bip mécanique des machines. L'agitation est palpable, l'hôpital déborde de blessé et cela fait de longues minutes que je patiente assis sur un brancard médical.

Mon cœur est vide tout comme mon esprit.

J'entends la voix de Li Huang qui supplie les médecins de sauver la vie de son fils puis plus rien. Le calme reprend place jusqu'à la prochaine tempête.

Il n'est plus là.

Et je suis incapable de réagir.

Il faut quelques minutes supplémentaires pour qu'un médecin vienne m'ausculter et constate que j'aborde plusieurs fractures. Il m'explique la marche à suivre, les traitements d'antibiotiques, les gestes à éviter mais l'homme fait face à mon silence. Inerte, complètement amorphe et sans vie, je lui laisse la charge de ma vie.

La porte est entrouverte et quelques bribes de mots parviennent jusqu'à moi.

- Tōji-sama... Aucune trace du corps... L'hôtel a explosé...

Entendre son nom me plonge dans un chagrin effroyable. Je ne peux l'écouter d'avantage. Tous mes sens s'éveillent et la réalité me rattrape brusquement. Je sors de ma torpeur en écarquillant les yeux et à mon grand regret la seule émotion que je ressens est le désespoir.

Tandis que le médecin étale une crème sur mon torse parsemé d'hématome, je balance mon bras gauche et pousse un râle étouffé.

- Il est là ?! m'exclamé-je en vacillant en avant.

Le médecin ne cache pas sa surprise. Il plaque son bras devant moi pour me rattraper mais je plonge sans hésitation.

- Attendez !

- Où est-il ?! Où est Tōji ?! Il n'est pas mort ! Il ne peut pas ! crié-je en regardant autour de moi.

L'homme âgé d'une cinquantaine d'années s'impose devant moi. Il attrape mes avant-bras pour me maintenir mais je m'agite de plus belle, désorienté et perdu. Le choc est un facteur important dans mon cerveau et je suis incapable d'être rationnel.

Je me débats sous sa poigne, le visage crispé et la sueur dégoulinant de mes tempes. Alertée par mes gémissements douloureux, une infirmière entre dans la pièce. Katashi et Ian suivent la marche et restent démunis devant la scène douloureuse qui se déroule devant leurs yeux.

Je tombe au sol, ignorant mes membres qui appellent encore au secours. J'ignore la douleur qui tiraille mon cœur et la souffrance qui ronge mon esprit. Je m'époumonne à m'en briser la voix.

- Ramenez-le-moi ! hurlé-je d'une voix étranglée.

Je lui avais interdit de mourir. Je lui avais interdit de partir. Il n'avait pas le droit de m'abandonner, pas après tout ce que nous avons vécu. Il était mon tout. Indéniablement la personne qui m'essoufflait de bonheur à tel point que j'en demandais toujours plus.

Je ne peux pas être submergé. Je ne suis pas prêt. La mort de Saki est trop fraiche dans mon esprit, je ne peux pas retomber dans les flammes de l'Enfer.

Mes cris déchirants percent les tympans des personnes présentes. Ian balance son poing dans le mur sous une impulsion de rage et les traits déformés par l'émotion, il quitte précipitamment la pièce. Deux nouvelles infirmières entrent et c'est par ce groupe d'individus que je finis couché sur le brancard. Leurs mains me maintiennent férocement. Mes larmes brouillent ma vue et pourtant je vois Katashi qui reste immobile à me fixer d'un air peiné. Sans ses lunettes, je distingue facilement les larmes qui débordent de ses yeux.

YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant