Chapitre 120

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La dépression est un fléau de l'humanité, comme parmi tant de maladie qui brise le cœur et déchire l'âme.

Je ne pensais pas un jour plonger en plein dedans. Bien que j'aie toujours été sujet à l'anxiété et aux pensées négatives, je n'avais pas imaginé m'engouffrer dans une telle spirale.

Chaque jour elle prend un peu plus de place et s'accentue dans mon cœur sans que je ne puisse réagir. Le vide qui s'était creusé dans mon fort intérieur se voit bientôt être remplacé par cette espèce de boule noire.

Et je ne lutte pas. Je la laisse faire son nid. Parce qu'en réalité, je ne sais pas quoi faire. Je navigue dans des eaux troubles, affrontant la tempête de ma vie jusqu'à attendre que le ciel se découvre et que la mer se calme.

Parce que c'est ainsi, la faiblesse humaine, où parfois nous ne pouvons qu'être impuissant.

Je l'accepte donc.

Plongé dans un sommeil censé être réparateur, j'émerge tout de même en sentant ma joue être frôlée. Le temps d'ouvrir les yeux, le contact disparait et la porte de la chambre se referme. L'obscurité reprend place mais dans cette noirceur où je me contemple, j'inspire profondément l'odeur de cigarette qui s'est infiltrée dans mes narines.

Malgré le temps qui passe, les journées à rallonge et les pleurs qui ne cessent jamais, Tōji demeure mon pilier.

Sans lui, j'aurai peut-être franchi le cap que je m'étais interdit.

On ne sait plus de quoi on est capable lorsqu'on atteint le fond.

Je dors peu et ne mange rien. Cela commence à se voir sur mon corps ; on peut observer mes côtes apparentes et mes joues creuses. Les cernes violettes ont élu domicile sous mes yeux et depuis, elles ne me quittent plus. Je peine sincèrement à retrouver la forme. De toute manière, j'ai toujours été du genre à sombrer.

Le problème, c'est qu'Emiko est une véritable éponge. Elle prend tous mes maux et les absorbe à tel point qu'à présent, deux fantômes errent dans le grand appartement du mafieux.

Les jours sont calmes car les non-dits persistent mais aujourd'hui, l'eau déborde du vase.

Sur la terrasse où le soleil brille de mille feux, j'attrape le verre que je tenais il y a quelques secondes et l'éclate contre le mur en béton. Le verre explose et les débris jonchent le sol. Emiko sursaute, hausse les sourcils et fonce sur moi, un éclat furieux dans le regard. Se fichant du verre qui taillade ses pieds nus et de la froideur qui émane de mon aura, elle m'attrape par les épaules et me secoue énergiquement.

- Arrête ça ! Je t'interdis de sombrer ! s'écrie-t-elle.

- Lâche-moi et mêle-toi de tes affaires ! crié-je à son encontre.

- Tu vas crever à force !

- Et alors ?! Qu'est-ce que ça peut te foutre ?!

En réponse, elle claque ma joue de sa main et sous le geste, je tourne la tête sur le côté. J'entrouvre la bouche, les lèvres tremblantes.

J'en suis arrivé au point où je ne sais plus me gérer. Et chaque crise, je prie pour que Tōji me sauve.

Mais parfois, il est trop tard, car la bombe s'est déjà amorcée.

- Je t'interdis d'agir comme si nous n'en n'avions rien à faire, souffle-t-elle en me pointant du doigt. Je ne te laisserai pas mourir !

Je relève mes yeux sombres sur elle, mes rétines dépourvues d'émotions qui la jaugent en silence et dans un petit ricanement nerveux, je passe une main sur ma joue. Ayant du mal à gérer cette contrariété, je balance mon pied dans la chaise en plastique et soulève le jeu de société qui reposait sur la table basse. Je le balance dans les airs en poussant un cri de rage, mes larmes se mélangeant à ma frustration et ma colère.

YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant