Chapitre 129

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Yoshiro

La patience n'est pas une des vertus qui me sied le mieux. Au contraire, actuellement, je suis une boule de nerf qui gigote sur le capot du 4x4, attendant avec impatience que la situation s'éclaircisse. Ian a beau me tenir compagnie, aucune de ses tentatives n'arrive à me changer les idées.

Cela fait pratiquement une demi-heure qu'Emiko et Shin sont retournés à l'intérieur de l'hôtel et nous n'avons aucun signe de vie d'eux. Ils pourraient bien être mort, j'en ai aucune idée.

Il en est de même pour Tōji et Katashi. Les deux hommes sont je ne sais où entre ces quatre murs et plus le temps passe, plus je songe à leur perte. Il m'est difficile de concevoir une fin positive étant donné que mon esprit est habitué à broyer du noir. Une des nombreuses facettes de l'anxiété qui gâche ma vie.

Mes dents grignotent sans interruption mes ongles et je me désole presque d'avoir une manucure négligée. Mes pensées fusent et c'est une véritable tempête qui prend place dans ma tête. Dans ce calme plat, mes troubles refont surface et me rappellent que je n'ai plus mon traitement.

Je renifle bruyamment, mon genou tremblant. Ian me jette un coup d'œil et fouille dans la poche de sa veste. Il fronce un instant les sourcils.

- Écoute Yoshiro... Ce n'est peut-être pas le moment mais j'ai récupéré ça pour toi, avoue-t-il.

Je tourne la tête vers lui et mes yeux brillent en voyant la plaquette de mes antidépresseurs. Il me la tend, les lèvres plissées.

- L'effet n'est pas immédiat, tu le sais, ajoute-t-il d'un ton prudent.

Je tends ma main pour attraper la plaquette et me fige.

- Non, je dois arrêter ça. Je ne peux pas continuer comme ça, je dois apprendre à vivre avec moi-même et ce que cela engendre... soufflé-je en prenant mon visage entre mes mains.

Ian reste muet. Il garde la main tendue et penche la tête sur le côté, m'étudiant de ses yeux clairs.

- Tu es sûr ? Tu risques de rechuter.

- Ce sera toujours comme ça... Avec le clan, avec Tōji... Je ne peux pas dépendre de ces médocs. Il faut que je devienne plus fort, réponds-je en ramenant mes jambes contre mon buste.

L'américain aborde un rictus et pousse un soupire. Il range la plaquette dans ses affaires et observe la forêt qui s'étend sur plusieurs mètres.

- La vie est semée d'embuche et parfois, cela ne fait pas de mal de se servir des outils qu'elle nous offre... Surtout lorsque l'avenir reste incertain, murmure-t-il.

Je l'observe du coin de l'œil, perplexe face à ses propos qui énoncent quelques sous-entendus. Le bruit des détonations nous met directement en alerte et des flammes jaillissent au loin. J'écarquille les yeux devant cette déflagration qui me strie les tympans.

Certaines parties de l'hôtel prennent feu et des débris sont propulsés en dehors de l'établissement. Les fenêtres explosent sous les bombes et de la fumée noire se disperse en direction du ciel.

- Des bombes ! s'écrie un des hommes de Shin. Ils explosent l'hôtel !

Et notre clan n'est toujours pas revenu.

Mon cœur se met à cogner à toute vitesse dans ma poitrine. Dans la seconde qui suit, je bondis du capot et m'élance vers le chemin cabossé qui mène jusqu'à l'hôtel. Le vent me fouette le visage et je manque de trébucher en glissant sur un caillou. Mes membres froids tremblent sous mon impulsion et la douleur qui s'était tue reprend du service en tirant sur mes articulations.

YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant