Chapitre 61

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Le maître d'hôtel tire ma chaise afin que je puisse m'y asseoir. Gêné devant tant de manières, je m'installe délicatement. Tōji s'assoit en face de moi et croise automatiquement les jambes. Il semble amusé par mon malaise apparent.

- Merci, soufflé-je à l'intention du maitre d'hôtel qui m'adresse un large sourire.

Il s'éloigne par la suite, nous laissant en tête à tête avec le mafieux. Je pose mes mains sur mes cuisses, les lèvres plissées. Je ne sais plus où me mettre. Le restaurant est tellement chic, tellement raffiné que je ne m'y sens pas à l'aise. Les clients sont tous des personnalités influentes dans la société, des héritiers de grandes familles, des hommes d'affaires discutant autour d'un bon vin. Et moi je suis là, avec mon petit polo bon marché et mes vieilles baskets délavées. Je plisse le nez en prenant en main le menu. Les prix ne sont pas affichés et je comprends directement que ça va coûter cher. Je tire sur le col de mon polo, ayant soudainement chaud. Non sérieux, on n'aurait pas pu aller manger des ramens ? C'est tellement plus abordable !

- Déstresse, rétorque le mafieux en tapotant ses doigts sur la table, un sourire amusé sur le visage. Tout va bien se passer.

- Je n'ai pas l'habitude de fréquenter ce genre d'établissement ! Je n'y ai même jamais travaillé, dis-je en serrant le menu dans mes mains.

- Et alors ? Profites-en dans ce cas-là, c'est une nouvelle expérience. J'aime te créer des premières fois, renchérit-il en élargissant son sourire.

Je m'empourpre et dévie mon regard sur le menu, consultant les plats proposés. Je reste perplexe devant tous les choix qui s'offrent à moi. Nous sommes dans le sud, l'idéal serait d'opter pour des produits de la mer. Et en boisson... Mmh...

Un serveur arrive, me ramenant à la réalité. Il se poste devant nous, un calepin dans la main. Il porte un superbe costume et je suis presque jaloux de son nœud-papillon. La classe !

- Messieurs, une boisson pour commencer ? Nous avons une très belle carte des vins, tout droit venus de France, déclare-t-il solennellement.

Tōji referme le menu et lève son regard vers le serveur.

- Apportez-nous deux whiskys. Pour le repas, nous prendrons deux menus découvertes. Concernant le vin, je vous laisse faire le choix, répond le mafieux avec assurance, comme s'il faisait cela tous les jours.

Le serveur note toutes les indications sur son petit carnet, incline poliment la tête et se retire sans bruit. Je cligne des yeux à plusieurs reprise.

- Incroyable. Tu as travaillé ce rôle combien de temps ?

- Quel rôle ? demande-t-il en reportant son attention sur moi.

- Celui du snob condescendant.

Le yakuza plisse les yeux, m'analysant avec un certain intérêt, le regard empli d'interrogation. J'éclate d'un léger rire et pose mes mains sur mon ventre, un sourire taquin collé sur mes lèvres.

- Quel plaisir de partager un moment avec toi, siffle-t-il entre ses dents.

Il pourrait s'offusquer mais n'en fait rien. Au contraire, je le vois sourire et secouer sa tête. Un autre serveur arrive avec un plateau en main. Il dépose nos deux boissons et deux amuses-bouches.

- Pour commencer en douceur... Bonne dégustation, souffle-t-il.

Et sur ses mots, il s'éloigne. Je prends mon verre et trinque avec celui du mafieux.

- Santé ? dit-il en plantant son regard gris dans le mien.

- Santé.

Nous buvons quelques gorgées. Tōji repose son dos contre le dossier de la chaise et jette un œil à la magnifique vue que la mer nous offre. Les vagues se déchainent toujours autant et j'apprécie ce côté sauvage d'Okinawa.

YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant