Chapitre 91

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La puanteur du sang s'émane dans l'air et le brouillard s'immisce autour de nous, créant une atmosphère morbide. Je n'arrive pas à détacher mes yeux du cadavre du policier, effrayé à l'idée qu'on ait pu l'abattre de cette manière.

C'est la deuxième fois que je vois un homme se faire assassiner sous mes yeux. C'est la seconde fois que je vois une balle aussi petite que mon doigt ôter la vie d'un homme.

Tōji se recule et jette un coup d'œil à Isao, lui donnant visiblement son approbation pour l'acte qu'il a commis.

- Récupérez ses papiers et débarrassez-vous du corps. Je me charge des affaires internes, déclare le yakuza sans la moindre émotion.

Isao range son revolver dans son dos, sous la couture de son pantalon et s'avance calmement. Ses yeux ternes ne reflètent aucune peine ni aucun remords. C'est comme s'il avait agi machinalement, comme un robot obéissant aux ordres. Un homme dénué de sentiment.

Il l'a toujours été.

- Comme convenu, je mets le corps dans une des caisses et la jette dans la mer ? demande-t-il en portant une cigarette à sa bouche.

- Oui.

Je tourne la tête vers Tōji, ma main pendant dans le vide car sa manche m'a quittée.

- Tu... Tu avais prévu ça ? Tu avais prévu de le tuer ? demandé-je d'une voix chargée en émotion.

La situation me parait surréaliste. Elle a pris une proportion que je n'avais pas calculé et maintenant, je sais qu'il est trop tard pour faire machine arrière.

Je ne voulais pas qu'il meurt.

Le mafieux pivote légèrement sa tête vers moi. Ses yeux gris me scrutent un instant puis il porte son attention vers la berline.

- Monte dans la voiture, nous en discuterons plus tard, répond-il.

La gorge nouée, je jette un coup d'œil à Isao et Choso qui trainent le corps sans vie de l'inspecteur vers un tas de caisses en métal. Kenzo et Shota restent à leur poste, occupés à charger la cocaïne dans les palettes.

Sans un mot, j'abaisse la tête et me dirige vers la berline. Ian m'ouvre la portière en silence, se contentant de me suivre du regard. Tous leurs visages sont impassibles, peu affectés par ce qu'il vient de se passer. Pourquoi suis-je le seul à être perturbé ? À avoir le goût de la mort dans la bouche ? À ressentir cette culpabilité grandissante ?

Les dents serrées, je m'engouffre dans la voiture et serre les poings sur mes genoux une fois assis. Mon teint est pâle et j'ai la nausée qui menace de faire un carnage. Tōji me rejoint et s'installe à mes côtés. Il passe une main sur sa cravate, l'ajustant délicatement. Ian et Katashi remontent en voiture et le moteur ne tarde pas à ronronner. Peu après, nous quittons le port et l'odeur de la mort me poursuit encore.

Seiji Takeshi est mort.

C'était un homme assoiffé de vengeance, détruit par la perte de son fils. Pourtant, il faisait un métier honorable et protégeait la population des mauvaises âmes. Des mauvaises âmes comme nous.

Des yakuzas.

J'ai été complice de ce meurtre. J'ai les mains sales et l'âme souillée.

Je tourne subitement la tête vers Tōji, les yeux plein de larmes. Le rictus qui se loge au bord de mes lèvres est prêt à exploser.

- Comment a-t-on pu en arriver là ? Il ne méritait pas de mourir ! émis-je d'une voix étranglée.

Le yakuza posa sa tête sur le repose-tête et ses yeux restent rivés droit devant lui.

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