Chapitre 57

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Les images tournent en boucle dans ma tête, m'infligeant des rappels incessants sur la violence qui m'accompagne au quotidien. L'odeur du sang se répand encore dans mes narines et me rappelle toutes ces traces sur les murs, sur le sol, sur les vêtements de Tōji.

Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Les flashbacks étaient trop violents, trop oppressants. Cet épisode m'a soudainement ramené en Corée et le souvenir de Seungho Yoon me donne un arrière-goût dans la bouche. Si Tōji n'était pas intervenu, est-ce que ces étrangers m'auraient kidnappé ? Auraient-ils fait du mal à ma grand-mère ? Ce genre de question tourne en rond dans ma tête.

« Tu es ma faiblesse. »

Je n'arrive pas à définir le sentiment qui entoure mon cœur à cette phrase dévoilée. Tōji ? Avoir une faiblesse ? J'ai du mal à le concevoir. Ce type est indifférent, difficile d'accès, impénétrable. Il est comme un bouclier un métal, aussi dur que la pierre.

Je ferme un instant les yeux, la mâchoire contractée.

Est-ce qu'il m'aime ?

Non, impossible.

Ma grand-mère me ramène brutalement à la réalité lorsqu'elle me tire par le bras. Je vacille un instant, la fatigue se faisant ressentir dans mes membres.

- Yoshiro, tu te souviens de mon amie Kushina Hayashi ? Nous prenions souvent le thé chez elle quand tu étais petit. Tu jouais avec sa petite fille, déclare ma grand-mère en souriant.

J'incline poliment la tête en direction de la vieille dame.

- Oui... Bonjour madame Hayashi, soufflé-je en esquissant un bref sourire.

- Bonjour Yoshiro ! Comme tu as grandi ! Je me rappelle que tu te promenais dans le jardin en couche-culotte ! rit-elle joyeusement en me tapotant la joue.

Ah ah... Vieille peau.

- Ah, oui... Sacré souvenir, marmonné-je en me forçant à sourire d'avantage.

Est-ce qu'un jour quelqu'un va prendre en compte que j'ai vingt-trois ans et que ce genre de chose est terriblement humiliant ? Arrêtez de m'infantiliser, bordel.

Kushina discute tranquillement avec ma grand-mère, se racontant des anecdotes passées. J'observe les stands de nourritures, de boisson, de fabrication artisanale. Le marché a sa petite clientèle, principalement des personnes âgées qui viennent acheter leur commission de la journée. Il y a aussi les petits enfants, accrochés à leur grands-parents. La différence entre eux et moi, c'est qu'ils ont cinq ou six ans.

Tss.

Ma grand-mère termine sa discussion et adresse un signe de la main à son amie.

- On se voit ce soir pour le tarot ! dit-elle.

- Oui, à tout à l'heure Chiyo, répond Kushina.

Je cligne des yeux. Cela me fait bizarre d'entendre quelqu'un d'autre appeler ma grand-mère par son prénom. J'ai tellement l'habitude de l'appeler 'mamie' ou 'grand-mère' que j'oublie parfois qu'elle à un prénom. Je suis vraiment un petit fils lamentable.

- Ça va, ma perle ? Tu as l'air pensif, déclare ma grand-mère à mon encontre.

Nous nous remettons en marche. Je tiens fermement son panier en osier, les yeux perdus dans la vague. Je secoue la tête en l'entendant et lui offre mon plus beau sourire.

- Ça va ça va, je suis un peu fatigué, avoué-je.

- Bon, très bien... Tu as entendu ce que me disait Kushina ? Il y a eu des détonations hier soir. Tu ne m'avais pas dit que c'était la télévision ?

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