Yakuza

Chapitre 88

Mes sourcils s'élèvent face à cette petite révélation. Tōji connait donc l'inspecteur Takeshi.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ? demandé-je en fourrant un bout de bacon dans ma bouche.

- Il n'était plus en service depuis des années. Il avait même quitté Tokyo, répond-il.

- Tu le connais d'où ? continué-je d'interroger.

Cet inspecteur pourrait avoir l'âge de mon père. Il ne fait pas parti de ma génération, ni même celle de Tōji.

- À l'époque, il était en investigation sur les affaires de mon père. Ça s'est très mal passé, avoue-t-il.

Il reporte sa tasse à ses lèvres et boit quelques gorgées de son café serré.

Le père de Tōji... Je ne connais pas cet homme et je me demande même s'il est encore vivant.

Je pose mes coudes sur la table en l'observant curieusement. Le mafieux me jette un coup d'œil.

- Raconte-moi, soufflé-je, un brin intéressé.

Il est hors de question que je loupe l'occasion de m'informer ! Tōji ne me parle jamais de ses affaires, c'est donc le moment de lui tirer les vers du nez. En soupirant, il se cale sur sa chaise.

- Seiji est un passionné du crime. Il ne loupait aucune affaire, s'investissait pleinement dans ses enquêtes. Un véritable bourru du travail, à tel point qu'il a mis en danger sa famille.

- Sa famille ? Il m'a parlé de son fils qui avait rejoint un gang... Et qu'ils l'ont retrouvé mort, dans un lac, dis-je doucement.

- En effet. C'est mon père qui l'a fait abattre, dévoile-t-il calmement.

J'écarquille les yeux, le visage blême. Le père de Tōji est responsable de la mort du fils de l'inspecteur ? Je comprends mieux pourquoi il a une dent contre le mafieux. Tout de même... C'est quoi cette histoire sanglante ? Le paternel de Tōji était donc aussi un mafieux ?

- Et toi... Qu'est-ce que tu as à voir avec cette histoire ? Tu n'as rien fait.

Le yakuza émet un petit rire dénué d'humour, presque glaçant. Je me fige un instant, la gorge serrée.

- Voyons Yoshiro... Tu me connais, non ? J'ai participé à cela, même de loin. Mon père était un terrible mafieux et j'exécutais ses ordres. Lorsqu'il a pris la décision d'éliminer son fils, en guise d'avertissement, je n'ai pas bronché. Cela n'avait pas d'importance à mes yeux. Et c'est toujours le cas, d'ailleurs. Les gens peuvent vivre, mourir, périr... Je m'en fiche, rétorque-t-il en me lançant un regard explicite.

Je déglutis doucement, giflé par la violence de ses propos.

- À l'heure actuelle, Takeshi se sent de taille pour se venger. C'est compréhensible d'une certaine manière mais je ne laisserai pas s'attaquer à mon clan, renchérit-il.

- C'est bizarre qu'il ressurgisse d'un coup après toutes ces années... soufflé-je en baissant les yeux.

- Pas vraiment, non. Son fils est mort et j'ai appris que sa femme avait succombée d'une maladie, il y a quelques temps. Ce type doit être hanté par ses erreurs passées et comme il n'a plus rien à perdre, il s'est dit que c'était le moment d'agir. De plus...

Tōji referme la bouche, les yeux plissés. Il pose un coude sur la table en ricanant légèrement, amusé par ses propres pensées. Il est autonome lorsqu'il s'agit de se faire rire tout seul.