Tōji
J'endure la cicatrisation de mes plaies en silence, ignorant la douleur et la gêne que me causent ces trous dans la peau. Elles ont beau être refermé, j'ai toujours la sensation qu'elles sont ouvertes. Attendant que le vide se remplisse. Ou se désintègre.
Le manque de sommeil se creuse sous mes yeux affaissés. Je vis au rythme de Yoshiro et son sommeil est constamment agité. Les cauchemars se font nombreux. Cinq en une semaine. Cinq fois où j'ai accouru dans la chambre et que je l'ai pris dans mes bras pour bercer son corps tremblant, à essuyer ses larmes qui recouvraient ses joues blanches. En plus d'avoir un sommeil perturbé, mon amant frôle l'anorexie et se refuse à manger. Quelques brefs grignotages ne suffisent pas à garder un corps en bonne santé. Et comme son mental chute, il s'applique à ce que son corps suive le mouvement. J'observe son état se dégrader un peu plus chaque jour et ce sentiment d'impuissance pulse en moi. Habituellement, je serai du genre à l'obliger. À le forcer. À le contraindre. Mais face à sa détresse, je suis incapable de m'opposer à lui.
Une crise de plus me sort de mes pensées. Assis derrière mon bureau, les yeux rivés dans le vague, je me lève d'un bond en entendant des cris qui proviennent du salon. D'un pas pressé, je quitte la pièce et regagne le séjour.
Yoshiro est en pleur, entouré d'Emiko et de Choso qui tentent désespérément de le calmer. Il git au sol, son portable dans la main, ses phalanges blanches dû à la force qu'il exerce sur son téléphone. Ses dents sont si serrées qu'elles pourraient se briser.
Encore une fois, j'assiste à une scène qui me laisse sans voix. Je ne suis pas quelqu'un de sentimental, j'ai du mal à saisir les émotions des autres. Elles me sont inconnues et à présent, depuis que Yoshiro fait partie de ma vie, je les surprends à apparaitre dans mon quotidien.
Mais ce ne sont que des émotions négatives.
Yoshiro relève la tête en laissant ses sanglots emplir la pièce et d'un geste impulsif, il balance son téléphone.
- C'était la seule manière d'écouter sa voix ! Maintenant, c'est vraiment terminé ! J-je ne pourrai plus jamais l'entendre... larmoie-t-il en cachant son visage dans ses mains.
Je plisse les yeux en réalisant à quoi il fait référence. Yoshiro a pris pour habitude d'écouter la messagerie vocale de son meilleur ami dans les moments les plus durs. Entendre sa voix enjouée l'apaisait pendant quelques instants et je remerciais silencieusement Saki d'avoir été prévenant. Cela me donnait un peu de répit, le temps que je trouve une solution à ses problèmes.
Le jeune homme croise mon regard et je distingue ses lèvres qui tremblotent. Doucement, je m'approche et tends les mains pour qu'il se relève.
- S-sa mère a résillé son numéro... Comment je vais faire maintenant ? Il est vraiment parti, émet-il d'une voix étranglée.
Il prend mes mains, reprend un peu de contenance et calme ses sanglots dévastateurs. Emiko et Choso s'éloignent en inclinant la tête, reconnaissant que je le sorte de son tourbillon infernal.
- Il faut apprendre à vivre avec, il n'y a pas d'autre solution. Ça ne veut pas dire que tu l'oublies, ça veut juste dire que tu vis, soufflé-je en replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille.
Il hoche mollement la tête mais ses actions contrastent avec son acquiescement. Ses changements d'humeurs sont irréguliers. Yoshiro passe de tout à rien. Il n'arrive pas à faire son deuil.
On ne le fait jamais en réalité.
- C'était mon meilleur ami... À qui je pouvais tout dire, avec qui je pouvais rire pendant des heures, faire les quatre-cents coups... Il ne méritait pas ça, il ne le méritait vraiment pas ! Je pense à Akira et ça me fait encore plus mal, chouine-t-il.
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Yakuza
Roman d'amourYakuza [ BxB ] Yoshiro Tamura est un jeune homme de vingt-trois ans. Récemment arrivé à Tokyo, il se démène à joindre les deux bouts pour survivre dans cette ville dense. Enchainant les petits boulots, il va se retrouver finalement mêlé à un monde s...