Chapitre 134

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Tōji

Quand ses yeux plongent dans les miens, je n'ai qu'une envie : me jeter à ses pieds pour qu'il me pardonne. Hélas, ni son expression choquée ni ses pupilles dilatées ne me font bouger d'un pouce. Je reste tétanisé, seulement parcouru d'une décharge électrique. Les membres crispés, je le contemple sous toutes ses coutures. Mes yeux ne loupent aucun détail. Je remarque bien la panique s'immisçait progressivement sur ses traits figés.

Qu'est-ce que je suis en train de faire ?

Yoshiro ne bouge pas. Nous nous sondons pendant de longues secondes. Il finit par faire un mouvement en arrière et la bouteille de soda qu'il tenait sous son bras tombe au sol. À son contact, le bouchon explose et le liquide se répand sur le carrelage. Il ne semble même pas remarquer ce petit incident, bien trop perturbé par ma présence. La bouche entrouverte, il émet un petit rire dénué de joie et se passe une main sur le front où quelques perles de sueur font leur apparition.

-          Mince... J'ai oublié de prendre les légumes... souffle-t-il pour lui-même.

Entendre sa voix m'électrise. J'écarquille brièvement les yeux, avance d'un pas et attrape sa main tremblante.

-          Attends... Yoshiro ! m'exclamé-je.

Le jeune homme recule brusquement à mon contact. La chaire de poule est visible sur la peau de son poignet et à son regard effaré, c'est comme si je venais de le brûler. Je me fige. Il se dégage de ma poigne et prend ses jambes à son cou, s'enfuyant en délaissant la bouteille de soda qui continue de se déverser sur le sol.

Je l'observe partir, les bras ballants et avec un fort sentiment d'impuissance dans le cœur. 

                                                                                                                                                      ***

Yoshiro m'a fui et en repensant à la scène, j'ai bien compris que c'était une mauvaise idée de débarquer comme cela. Je n'ai pas réfléchi, j'ai agi avec impulsivité. Ce n'est pas dans mes habitudes mais avec lui, je me retrouve à faire n'importe quoi.

Je perds la tête.

Avec les moqueries incessantes d'Ian, je ne suis pas prêt d'oublier cette idée grotesque. À ce sujet, l'Américain se fait un malin plaisir de tourner autour de moi dans ma chambre d'hôtel, les mains dans les poches. Il s'arrête finalement aux côtés de Katashi qui pousse un énième soupire.

-          Comment cela a pu-t-il se produire, Tōji-sama ? interroge-t-il d'un ton las.

Je ne réponds pas, les yeux rivés sur la baie-vitrée qui m'offre une vue sur la capitale. Les sourcils froncés, je rumine dans mon coin avec un rictus sur le bord des lèvres.

-          J'ai tout vu ! C'est simple. Il a débarqué devant lui d'un coup, comme ça, sans un mot ! Pas étonnant que Yoshiro ait paniqué, argumente Ian en levant les mains en l'air.

Katashi dérive son regard vers Ian et hausse un sourcil, perplexe devant la familiarité dont peut faire preuve l'homme à mon égard. De mon côté, je continue de rester silencieux, une veine pulsant contre ma gorge.

-          Que veux-tu dire par là ? demande mon bras droit.

-          C'était une mauvaise idée. Très mauvaise, répond Ian en croisant les bras.

-          La ferme, tranché-je en le gratifiant d'un regard noir.

Ian émet un ricanement moqueur et me lorgne sans abandonner son sourire malicieux.

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