Chapitre 126

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La vision qui s'impose à moi m'effraie au plus haut point. Je recule d'un pas, le visage devenu livide. Les gémissements douloureux d'Isao parviennent à mes oreilles et d'instinct, j'observe Tōji qui s'avance lentement.

Son expression macabre plante le décor. Il est ici pour réduire en poussière tout ce qui se dresse en travers de son chemin.

- Un ami... Un conseiller... Un frère... Un membre de ma famille ! Et tu oses me trahir ? Moi qui t'ai sorti de la misère et qui t'ai tout donné ?! rugit-il en gardant le revolver visé sur la silhouette de l'homme.

Isao halète et se cogne contre le bureau. Le sang continue de pulser hors de sa blessure.

- Je ne voulais pas le croire mais la vérité est bien là. J'aurais dû écouter mon instinct un peu plus tôt, souffle-t-il pour lui-même avant de relever les yeux vers Isao.

- Tōji... Mon frère... Ne fais pas ça... Je regrette, je regrette tellement...

Le yakuza étire ses lèvres et dévoile un rictus monstrueux. Ses yeux brillent d'un éclat furieux, démontrant toute la haine qu'il lui porte. Il réenclenche le chien du pistolet, une ombre éphémère traversant son visage démuni d'émotion.

- Je ne pardonne pas, tu le sais pourtant, non ?

- Tōji ! émet-je en fonçant sur lui.

À l'aide de mon corps, je crée une distance entre eux et les bras écartés, je l'empêche de viser correctement mon mentor. L'affolement se lit dans mes yeux et les lèvres tremblantes, je plante mon regard apeuré dans celui de mon amant.

- Arrête ! Je t'en prie, ne le tue pas ! Partons !

Tōji semble loin de la réalité, plongé dans une colère sourde qui se ressent dans toute la pièce. Il fixe avec férocité Isao, la mâchoire contractée mais lorsqu'il aperçoit enfin mon visage, il se radoucit. Et j'ai l'impression de déceler quelques fragments de désespoir dans sa nuance grisonnante. Ses grandes mains chaudes rejoignent le contour de mon visage et pourtant, la seule chose que je sens, c'est la froideur de l'arme qui se colle contre ma joue.

Il m'examine et écarquille les yeux en distinguant les nombreuses blessures que je porte sur le visage. Du sang séché entoure mon nez rougi et les hématomes ornent mes pommettes saillantes. Mes cheveux d'ordinaires raides se voient être emmêlés et ma respiration sifflante signale que mes côtes sont fêlés.

Et à travers mes yeux larmoyants, Tōji saisit la douleur physique et mentale qui me submerge.

- Qui t'a fait ça ?

- Je..

La bouche entrouverte, je n'ai pas le temps de terminer ma phrase qu'il reporte son attention sur Isao.

- Et tu l'as tabassé ? susurre-t-il entre ses dents.

Les yeux flamboyants, il s'écarte de moi et relève le pistolet en direction d'Isao. Celui-ci blêmit et se colle contre un mur, à la recherche d'un quelconque objet pour se protéger d'une éventuelle balle. Les mains posées sur son flanc ensanglanté, il se laisse glisser contre le même mur et halète furieusement.

- Non ! s'écrie-t-il. Je ne l'ai pas touché !

- C'est vrai ! Ce n'est pas lui Tōji ! Regarde-moi, laisse-moi t'expliquer ! Aleksander va débarquer d'un moment à l'autre ! m'exclamé-je en attrapant le bras du mafieux.

Une vive douleur dans les côtes me fait grimacer. Je pousse une plainte en fermant un œil, la sueur coulant le long de mes tempes.

- Je ne peux pas croire les mots qui sortent de ta bouche. Ils sont pourris, tout comme ta vieille carcasse, gronde-t-il en tentant de me repousser.

YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant