Chapitre 10

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Mes yeux observent la coloration brune, l'épaisseur de la mousse blanche, le sucre fondre avec lenteur dans le liquide brulant. Cette préparation demande beaucoup de concentration et de précision. J'admire les baristas, ces personnes qui nous réchauffent le cœur avec leur boisson lors d'une journée de pluie tumultueuse. J'aime me perdre dans cette nuance de couleur et humer la délicieuse odeur qui s'évapore de ce liquide foncé.

Observer si intensément le cappuccino qu'on vient de me servir ne fait pas de moi un obsessionnel, j'essaye juste d'éviter le regard aiguisé de Tōji.

Alors je me concentre sur quelque chose de plaisant comme cette délicieuse boisson qui, j'espère, va me donner du courage pour ce que je vais affronter par la suite.

-          Pourquoi un salon de thé ? interroge le mafieux.

J'ose enfin relever les yeux pour m'engouffrer dans ses iris acérées. Elles me fixent avec une telle intensité que j'en ai le cœur qui bat la chamade.

J'ai choisi de rencontrer Tōji dans un salon de thé populaire de Shibuya. Nous nous trouvons au premier étage dans une grande salle à l'ambiance cosy avec ses fauteuils en velours et ses poufs aux teintes clairs. La musique de fond est douce et agréable à écouter. Les gens présents discutent calmement, à base de chuchotement et de petits murmures. C'est discret et paisible. Il fallait que je trouve un endroit sécurisant. Ici, entouré d'âmes humaines, dans cet endroit silencieux, Tōji ne peut rien me faire.

A la base, Katashi avait organisé notre rencontre dans l'un de ses clubs. J'ai tellement insisté auprès d'Isao pour choisir le lieu qu'ils ont tous fini par cédé à mon caprice. Caprice qui, aujourd'hui, lorsque je vois Tōji aussi calme et détendu, me semble exagéré. M'enfin, le café est très bon alors je ne regrette pas. Et puis, voir le yakuza dans un endroit aussi doux et agréable alors qu'il transpire la malveillance, ça me fait bien rire au fond.

-          J'aime le café, répondis-je tranquillement.

Mon expression reste neutre, mon regard imperturbable et mes mains stables.

-          Et les pâtisseries, rétorque-t-il en m'observant couper une part de cheesecake.

-          M'oui... marmonné-je en prenant une bouchée du gâteau.

Le silence retombe. Il soulève sa tasse à café qu'il n'a pas sucré. Un instant, avec beaucoup de précaution, je le vois humer l'odeur du café noir. Ses paupières s'abaissent et s'ouvrent avec lenteur. Il goutte quelques gorgées de sa boisson puis repose calmement sa tasse. Confortablement installé sur une banquette rose poudrée, il croise les jambes et laisse ses bras s'affaler sur les dossiers. Tōji relève le menton et me scrute du regard.

-          Alors ? Qu'as-tu à dire pour ta défense ?

-          Désolé.

-          C'est tout ?

-          C'est la vérité.

Je prends une gorgée de mon cappuccino. Pour le moment, je tiens le coup. Je ne laisse pas mes émotions me dominer même si je sens qu'une tempête se prépare dans mon estomac. Le voir aussi calme me rend de plus en plus nerveux. J'ai passé la nuit à me répéter le même discours pour paraître confiant le moment venu.

-          Un 'désolé' et je dois laisser couler ?

-          Non mais... Il y a des circonstances atténuantes.

-          Je t'écoute, Yoshiro.

Je me mords l'intérieur de la joue lorsqu'il prononce mon prénom. J'aurai aimé qu'il ne découvre jamais mon identité.

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