Yakuza

Chapitre 48

Choso m'a suivi jusqu'à la supérette. Durant le trajet, j'ai gardé le silence, n'étant pas prêt à lui parler après l'avoir lâchement frappé. J'ai encore honte de mon geste impulsif.

Le garde du corps ne semble pas m'en tenir rigueur car il porte mes sacs de courses. Ses yeux se baladent dans le quartier, observant tout ce qui nous entoure. Malgré son aspect strict et soigné, il paraît insouciant, à la découverte du monde.

Je l'observe du coin de l'œil, incrédule.

Mais c'est un homme de main de Tōji et il n'a pas été recruté pour rien. Il m'attrape vivement le bras lorsque le feu passe au vert et que les voitures défilent sur le passage piéton. Je m'arrête aussitôt, les yeux ronds. J'étais tellement plongé dans mes pensées que je n'ai rien vu venir.

-          Attention ! me dit-il en serrant mon bras.

Le vrai insouciant, c'est moi. Je tourne la tête vers Choso, encore perturbé par ce qu'il vient de se passer.

-          Merci... soufflé-je en clignant des yeux.

-          Mmh. Où veux-tu te rendre, à présent ? demande-t-il en relâchant mon bras.

-          Amène-moi à la planque d'Isao, dis-je en mettant mes mains dans mes poches.

Choso hoche la tête et rejoint sa voiture garée près de l'immeuble. Nous nous engouffrons dans l'habitacle et, installé derrière, j'attache ma ceinture de sécurité. Mon garde du corps n'a pas l'air désagréable ni difficile à vivre mais je ne supporte pas l'idée qu'on surveille tous mes faits et gestes. Je me sens oppressé.

L'homme roule calmement, les yeux rivés sur la route.

-          Pourquoi est-ce que tu es devenu mon garde du corps, tout à coup ? Tōji t'a dit quelque chose ? interrogé-je en posant mon regard sur son dos.

Il ne décroche pas de la route, visiblement concentré.

-          Monsieur ne m'a fourni aucune raison.

-          Evidemment... soufflé-je pour moi-même, les sourcils froncés.

Le yakuza n'est pas du genre à s'étaler sur ce genre de détail. Il agit dans l'ombre et déplace ses pions sur l'échiquier... Est-ce que je suis un pion, moi aussi ? A la façon dont il me traite, il n'y a pas de doute là-dessus.

Après quelques minutes de route, Choso se gare dans le quartier d'Ikebukuro. Je descends de la voiture sans attendre et repère le restaurant italien où Isao se trouve. N'empêche, il doit avoir des pizzas à volonté, ce veinard !

J'entre dans les lieux, Choso sur mes côtes. Je fais rapidement volte-face.

-          Tu n'es pas obligé de me suivre jusqu'ici ! m'exclamé-je.

L'homme me regarde, semblant hésité. Bien sûr, s'il désobéit aux ordres, ça lui retombera dessus... Mais ça, j'en ai rien à faire. Ce n'est pas mon problème.

Isao sort de la porte secrète, au fond de la cuisine. Il y a des clients dans la salle et face au regard méfiant du rabatteur, Choso prend rapidement sa décision.

-          Je t'attends à la voiture, souffle-t-il en tournant les talons.

-          Ouais, c'est ça ! grogné-je en rejoignant Isao.

Comme à son habitude, il passe un bras autour de mes épaules tout en m'entrainant dans sa planque.

-          Tu as fait la rencontre de Choso à ce que je vois, ricane-t-il.