Chapitre 76

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Le sang s'écoule de la table et se déverse sur le sol, créant une petite flaque rougeâtre. Cette vision me fait tourner de l'œil et je me vois obligé de passer une main sur mes yeux, la gorge nouée.

Le rituel effectué, Isao repose doucement le couteau et enroule ses doigts tranchés dans un mouchoir propre. Il recule d'un pas, la respiration sifflante et les yeux embrumés.

- Ils sont à vous, déclare-t-il d'une voix étranglée.

Le yakuza arbore une expression impassible, les bras croisés. Il lance un regard au mouchoir imbibé de sang et reporte son attention sur son homme de main.

- Bien. Partez, maintenant.

Isao porte un autre mouchoir sur ses doigts, tentant de réduire l'écoulement. La grimace apparente, il incline respectueusement la tête et tourne les talons.

- Monsieur ? demande Katashi en redressant le menton.

- Ça ira, je m'occupe du reste.

- Bien. Bonne nuit.

C'est à ces paroles que je comprends que la nuit est tombée. Combien de temps ai-je dormi ?

Emiko me tire doucement en arrière et pose une main dans son dos.

- C'est fini, retourne au lit, dit-elle avec douceur.

Alors que les hommes de mains de Tōji quittent les lieux sans demander leur reste, le mafieux se tourne et s'avance vers nous.

- Emiko, vas-y aussi. Je vais m'occuper de Yoshiro, rétorque le yakuza.

Je déteste sa façon de parler de moi comme si je n'étais pas là. Je suis peut-être encore dans un état second, complètement chamboulé et bouleversé, mais je suis là. Je sais très bien ce qu'il se passe.

La jeune femme relève la tête, surprise. Elle me relâche doucement.

- Mais le sang sur le sol... ? souffle-t-elle.

- Je m'en charge, répond-il d'un ton calme.

Son expression reste inquiète, voire anxieuse. Elle hoche néanmoins la tête et s'écarte de nous.

- Très bien... Alors bonne nuit. N'hésitez pas à m'appeler. Je... Je suis là ! s'exclame-t-elle en plissant les lèvres.

Tōji secoue la tête tandis que de mon côté, je m'éloigne d'eux en marchant d'un pas décidé vers la chambre. Cette soirée était de trop. Avec ces derniers évènements et ce qu'il vient de se produire, j'ai besoin de remettre mes idées en place.

J'ai été réduit à un état second où ma conscience et mes valeurs m'ont abandonnées. Je me suis retrouvé dans une situation compromettante, à faire des avances à mon meilleur ami sans me soucier des apparences. Finalement, j'ai terminé dans les bras de Tōji et tout un tas de choses obscènes ont traversé mon esprit. À présent, je subis un contre-coup violent, autant physique que mental. J'ai honte de ce que j'ai fait, de ce que j'ai dit. J'ai honte d'avoir été dans un état de débauche, proche de la dépravation.

Si Tōji n'avait pas été là, j'aurai été capable de finir dans les bras d'un inconnu. Et ça ne m'aurait pas déplu.

Tout cela car Isao m'a trahi. Au lieu de me protéger, il m'a exposé au danger. Je pensais que je pouvais lui faire confiance et cette désillusion me frappe de plein fouet.

Cette pensée me donne la nausée. Tout en longeant le couloir, je porte une main sur ma bouche.

- Yoshiro, s'exclame Tōji en me suivant.

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