Chapitre 138

727 62 31
                                    


Les informations fusent dans mon esprit. Mes pupilles se sont légèrement dilatées à son annonce inattendue. Pendant que le silence nous entoure dans une atmosphère pesante, la serveuse déboule devant nous, un plateau en main.

- Bonjour, vous désirez ?

Elle mâche un chewing-gum bruyamment et nous regarde de haut, balançant par la même occasion sa queue de cheval blonde sur son épaule.

- Deux milkshakes à la fraise, répond Emiko en gardant ses yeux posés sur moi.

Je suis à deux doigt de me lever et de partir tellement le choc tourbillonne dans mon esprit. En réalité, j'abaisse la tête en fulminant intérieurement.

Elle s'est mariée et je n'étais pas au courant. Elle a continué de vivre tandis que moi, je mourrais à petit feu.

La jalousie ronge mes entrailles et c'est avec force que je me mords l'intérieur de la joue, ravalant l'acidité que j'ai en bouche.

La serveuse prend note de nos commandes et s'éloigne sans demander son reste.

- Tu t'es mariée... Avec ce type... soufflé-je pour moi-même.

Emiko retient le rictus qui orne ses lèvres et tripote son alliance nerveusement. Ses traits sont figés et la tourmente que je lis dans son regard semble mener une bataille accrue contre elle.

- C'est un mariage arrangé, je te rassure. Nous avons lié nos deux clans pour unir nos forces militaires et nos entreprises, déclare-t-elle.

- U-un mariage arrangé ? bégaie-je en plissant les yeux.

- Oui. Cette solution planait au-dessus de ma tête depuis le début. Je dois avoir des alliés à mes côtés, souffle-t-elle.

J'ai l'impression d'entendre Tōji parler.

- Quel allié se permettrait d'embrasser son associé ? raillé-je en dévoilant mon rictus.

- C'est que... Avec le temps... Hum... Notre relation a évolué dans un autre sens... bredouille-t-elle en rougissant légèrement.

- Après tous les mensonges que vous avez concocté pour me berner, tu peux bien me dire la vérité cette fois, claqué-je tel un serpent venimeux.

- Je te dis la vérité ! Après notre départ, j'ai pris les rennes du clan et je suis devenue la cheffe des yakuzas. Je n'avais que Katashi à mes côtés et la meilleure solution pour maintenir mon pouvoir était de me lier à Shin. Il est l'héritier de la triade.

- La belle vie alors ! Tu as épousé un merveilleux parti, tout le monde est à tes pieds et tu as le Japon sous ta coupe ! La Chine aussi non ? Car techniquement, ce qui lui appartient est aussi en ta possession non ?

La jeune femme se tait et se mord le coin de sa lèvre inférieure. Ses prunelles vertes ne me quittent pas, me fixant avec une grande culpabilité.

- Je n'ai jamais voulu quitter le Japon et encore moins ma vie d'avant. Je n'ai pas eu le choix.

- Tu as accepté d'être l'héritière, tu savais très bien que ce genre de chose arriverait bien un jour. Estime-toi heureuse, t'aurais pu épouser Aleksander ! ricané-je.

La rage m'enveloppe. Elle pulse dans mes veines et les poings serrés, je me retiens d'envoyer valser la table. La serveuse profite de ce moment tendu pour revenir et déposer les milkshakes sur la table.

- Mais, je t'accorde mes félicitations. Le mariage a dû être grandiose. Des centaines d'invités, de l'alcool à foison, des amuse-bouche à en faire baver plus d'un... Tu devais être magnifique dans ta robe. Je t'imagine avec de belles boucles qui tombe en cascade dans ton dos ! Dommage que je n'aie pas été invité mais le groupe était présent non ? Tōji, Ian, Choso, Katashi... lâché-je en retrouvant une expression terne.

YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant