Chapitre 37

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Quand je vois le regard de Saki, je comprends.

Il sait. Il le reconnait.

Comment vais-je pouvoir me justifier ?

Je descends d'un bond du buffet et repousse Tōji d'un coup d'épaule.

- Casse-toi ! grogné-je en lui faisant de gros yeux.

Celui-ci me foudroie du regard, ses yeux lançant des éclairs. Je sais qu'il déteste lorsque j'ose lui parler sur ce ton mais... Saki est là et il ne peut rien me faire.

Il fourre sa cravate dans sa poche, presque déçu de ne pas avoir pu s'en servir. Mes poignets s'estiment chanceux d'avoir échappé aux griffes du mafieux.

Fébrile, la respiration saccadée, j'évite le regard de Saki qui nous fixe intensément.

J'ai honte.

Le yakuza se penche légèrement et son souffle parvient au creux de mon oreille.

- Ce n'est que partie remise. Je compte bien te faire payer cette rébellion.

Ces mots me font l'effet d'une gifle. Je me fige sur place, la gorge nouée.

- Bonne inauguration... murmuré-je en levant les yeux vers lui, un nœud à l'estomac.

L'adrénaline n'est pas redescendue et mon désir reste toujours aussi présent. J'ai presque hâte de me retrouver en tête à tête avec lui. Presque.

Le mafieux m'adresse un dernier regard lourd de sens et s'éloigne, marchant vers la sortie. Les mains dans les poches, il ralentit la cadence en frôlant Saki.

- Au revoir, Saki, souffle-t-il sans cacher son sourire espiègle.

Saki tourne lentement la tête vers le yakuza en blêmissant. Contrairement à moi, il a peur. Les souvenirs de la maison close doivent lui revenir en tête et je me maudis de le confronter à cette situation.

La porte se referme doucement et la silhouette de Tōji disparait.

J'ose relever les yeux vers mon meilleur ami, un rictus sur les lèvres.

- Saki...

Mon meilleur ami passe une main dans ses cheveux châtains, le regard absent. Je le vois déglutir et prendre les sacs de course. Il se réfugie dans la cuisine. Il n'a même pas osé retirer ses chaussures.

Je le suis précipitamment. Je vois ses jambes trembler et son torse s'élever rapidement au fil de sa respiration. Il est tétanisé.

- Saki, ce n'est pas ce que tu crois... répliqué-je doucement.

Je m'approche de lui et il se tourne vivement pour me faire face. Ses yeux sont grands ouverts et il pointe un doigt dans le vide, effaré par ce qu'il vient de se passer.

- C'est lui... C'est le mec du Moon ! C'est le mec qui nous a fait des misères ! s'exclame-t-il soudainement.

Je m'arrête aussitôt, la bouche ouverte. Saki me fixe, les pupilles dilatées.

- Tu te tapais un mec et c'était lui. C'était ce mec là..., souffle-t-il plus doucement comme s'il prenait conscience de la réalité.

Paralysé par la réaction de Saki, je me contente de serrer les poings en regardant le sol. Je ne peux pas nier, je n'ai pas le droit. Au fond, je me doutais que la vérité allait bien finir par éclater un de ces jours. Ce n'était qu'une question de temps.

- Je...

- Yoshiro, je ne comprends pas. Pourquoi ? demande-t-il, la voix tremblante.

YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant