Yakuza

Chapitre 116

( Lovely - slowed & reverb )

Quand je pense à la mort, je revois le corps de mon chien étendu dans mes bras, ses membres inertes et froids. Hikari était mon chien, mon compagnon, mon meilleur ami. Il est resté à mes côtés des années et un jour, il s'est éteint. Maman m'avait consolé toute la journée et m'avait promis qu'il penserait toujours à moi. J'ignorais qu'à cet instant, elle finirait par le rejoindre au ciel, en compagnie de papa.

Ce sont les plus grandes blessures de ma vie. La perte de ces êtres chers m'a envoyé dans les braises de l'Enfer, plongeant mon esprit dans une spirale autodestructrice. Si grand-mère n'avait pas été là, j'aurais sans doute sombré.

Aujourd'hui, quand je pense à la mort, je suis incapable d'imaginer Saki du côté des défunts. Je ne peux me résoudre à le perdre.

Ça va me briser.

L'eau coule encore et toujours, ne cessant d'aveugler ma vision et de brouiller mon esprit. Le chaos est autour de moi et c'est maintenant que l'enfer commence.

Pris d'un pic d'adrénaline, je bondis sur mes pieds et accours vers Saki. Arrivant à ses côtés, je m'agenouille et prend délicatement sa tête entre mes mains.

- Saki ! Saki, réponds-moi ! SAKI ! crié-je avec désespoir.

Mes mains tremblent au contact de sa peau. Sa peau si froide, si pâle. Ses lèvres sont bleues, bleues comme un océan froid, bleues comme le ciel après un orage. Ses iris foncés restent rivés vers le ciel et ses larmes se mélangent à la pluie. Et le sang continue de s'écouler de son torse, s'imprégnant sur son t-shirt et dégoulinant sur le béton. Peu à peu, l'étincelle qui le rendait vibrant et excitant s'éteint. Dorénavant, son regard devient terne et vide. Et de mon côté, je me meurs.

Car je réalise que toute trace de vie a disparu chez Saki.

La balle a touché son cœur. De plein fouet.

Ce fut fulgurant et fatal. Et son dernier mot, sa dernière parole, c'était mon nom. Le nom qui a causé sa perte.

Alors que mon groupe se précipite vers nous, haletant et désespéré, je rejette la tête en arrière et hurle à m'en déchirer la voix, à m'arracher l'âme. Je pousse un hurlement qui pourrait faire trembler la terre, effondrer les immeubles, écrouler le monde.

Ma peine est si forte que mes poumons se compriment. Le souffle coupé, j'hoquète bruyamment et pose une main sur ma bouche.

- Saki... Pardon, pardon, pardon...

Les passants s'arrêtent et s'attroupent autour de nous. Sous le choc, j'entends des cris et des larmoiements. Des hommes ordonnent d'appeler la police et les pompiers mais je ne les entends plus. Je me contente de poser mon front sur celui de mon meilleur ami, laissant les larmes ravager mon visage.

- Pardon, pardon... Je t'aime... Je t'aime si fort... Je t'aime, tu le sais ? Ne m'abandonne pas, sangloté-je.

Une grimace affreuse déforme mon visage et mes larmes tombent sur son beau visage calme. Son teint blafard est presque semblable à la neige, aussi pure et douce soit-elle. Mais la neige est éternelle. Pas Saki.

La douleur me consume et me rend fou. Je m'accroche à lui, le serrant dans mes bras et bientôt, son sang colle à mes vêtements. Akira arrive à notre hauteur, suivi de Choso. Emiko est tombée à genoux au bord du passage piéton. Elle pleure silencieusement, la tête baissée.

Ils ne parlent pas. Et je ne les regarde pas. Choso se baisse et me tire délicatement vers lui. Lorsque je sens Saki s'éloigner de moi, je pousse un nouveau cri.