Yakuza

Chapitre 139

Entre la mine consternée de ma patronne et l'air abattu dans les yeux de Tōji, je ne sais plus où donner de la tête. La directrice se précipite vers le yakuza qui se lève lentement de son fauteuil. Il passe une main dans ses cheveux mouillés et retire sa veste de costume, dévoilant sa chemise trempée qui lui colle à la peau. Ses muscles saillants ressortent à merveille mais je n'ai pas le temps ni l'envie de m'attarder là-dessus.

Ma patronne fait de grands gestes, les lèvres plissées. Une veine palpite contre sa gorge.

- M.Kobayashi, je suis sincèrement désolée ! Je ne sais pas ce qu'il lui ait passé par la tête, je peux vous assurer que des sanctions vont être prises et elles seront sévères ! Nous allons prendre en charge les frais de pressing et...

- Ce n'est pas la peine. Je l'ai bien cherché, coupe le mafieux calmement.

- Voyons, monsieur, ne dîtes pas de telle bêtise ! proclame-t-elle.

Je ricane nerveusement et défait mon tablier qui entoure ma taille. Dans un geste furieux je le jette au sol et fait volte-face aux deux individus. Je quitte précipitamment la salle de restaurant sous tous les regards curieux.

Arrivé dans les vestiaires, je claque sèchement la porte derrière moi. Fort heureusement pour mes nerfs, je suis seul. Forcément, les autres sont toujours en plein service. Je tourne en rond tel un lion en cage et m'arrête lorsque la porte s'ouvre à la volée. Hana entre en trombe dans les vestiaires et se rue sur moi.

- Yoshiro ?! Qu'est-ce qu'il s'est passé ?! s'exclame-t-elle.

Sa voix est habituellement douce et pleine de gaieté mais cette fois-ci, elle est étranglée.

Je l'ignore, les narines dilatées. J'ouvre la porte de mon casier et attrape mon sac à dos puis charge mes affaires personnelles à l'intérieur.

- Rien. J'me tire, rétorqué-je dans un ton faussement calme.

- M-m-mais... Non ! Attends, explique-moi ! Pourquoi tu as renversé la carafe sur cet homme ? Tu sais qui c'est ?! Qu'est-ce qu'il t'a pris ? enchaine-t-elle en s'agitant.

Elle est toute petite et j'ai l'impression d'avoir un nain de jardin qui sautille autour de moi.

Je serre les dents en jetant mon déodorant dans le sac. Ma main tremble sans interruption.

- Yoshiro ! tonne-t-elle en fronçant le nez.

- Rah, arrête ! Je sais très bien qui c'est. C'est mon ex, figure-toi ! grogné-je en claquant la porte du casier.

Hana se fige et arrête ses grands gestes. Elle cligne des yeux, la bouche entrouverte et incline la tête sur le côté.

- Sans déconner ?

Je lève les yeux au ciel et cale mon sac dans mon dos.

- Peu importe. J'suis viré de toute manière, réponds-je en dépassant la jeune femme.

- Futaba n'a jamais dit qu'elle allait te virer...

- Si elle ne me vire pas, j'pose ma démission. J'en ai ma claque. J'fais tout ça pour quoi ? Même dans ce putain de restaurant je suis méprisé. Façon, je m'en tape de ce qu'ils pensent de moi.

- Arrête, tu agis impulsivement... D'ici quelques jours ça ira mieux, tu verras... susurre-t-elle en posant une main sur mon bras.

- Non, ça fait trop de temps que ce merdier dure. Ma vie est sans dessus-dessous et je la rends encore plus pathétique qu'elle ne l'est déjà.