Chapitre 30

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Après le diner, Tōji me rejoint sur la terrasse faite de bois. Le temps est doux et j'apprécie de prendre un bol d'air frais tout en regardant les étoiles s'aligner dans le ciel obscur.

Assis sur le rebord, mes pieds pendant dans le vide, je tourne la tête en le sentant s'approcher de moi. Il tient un plateau de jeu d'une main et de l'autre, deux coussins. Je hausse un sourcil en l'observant s'installer à son aise.

- Qu'est-ce que c'est ? demandé-je.

- Tu veux jouer au shōgi avec moi ?

Je reste quelques secondes surpris devant sa demande qui sort un peu de l'ordinaire puis, je prends le coussin qu'il me tend.

- Pourquoi pas.

- Tu sais y jouer ?

- Ouais, j'y jouais de temps en temps avec mon grand-père, répliqué-je en mettant le coussin sous mon postérieur.

Le yakuza installe le plateau, une expression neutre sur le visage.

- Je vois, dit-il seulement en mettant les pions en place.

Je le regarde curieusement, me demandant pourquoi il veut jouer avec moi. Ce jeu est populaire au Japon mais je ne pensais pas que j'y jouerai un jour avec le mafieux. En fait, j'ai du mal à concevoir qu'il puisse pratiquer des loisirs et des activités banales comme s'il était un homme ordinaire.

Nous commençons à jouer tranquillement, sans stratégie ni détermination. J'ai l'impression que c'est plus pour passer un bon moment.

Tōji fume tranquillement sa cigarette en observant de temps à autre le ciel. L'atmosphère est calme, presque paisible. J'apprécie ce moment où pour une fois, je ne me bagarre pas avec lui, où les insultes restent dans mon fort intérieur et, où j'arrive à me détendre.

- Quand est-ce que je rentrerai à Tokyo ? demandé-je subitement en relevant la tête vers lui.

- Bientôt, souffle-t-il en crachant un peu de fumée.

- Je me sens mieux et Saki m'attend, dis-je en faisant la moue.

- Sois patient, Yoshiro.

Lorsqu'il prononce mon prénom, une boule se forme au creux de mon estomac. Je détourne le regard. Emiko profite de ce moment pour venir nous apporter du thé, disposé sur un plateau.

- Messieurs, dit-elle proprement en posant les tasses ainsi que la théière près de nous. Il commence à faire frais, ça va vous réchauffer.

- Merci Emi, émis-je en prenant ma tasse chaude entre les mains.

Tōji incline poliment la tête à son intention puis mon amie repart.

- Que vas-tu faire à Tokyo, désormais ? questionne le yakuza en prenant sa tasse du bout des doigts.

- Je n'y ai pas vraiment réfléchi, avoué-je doucement.

- J'ai fais réparer la porte de ton appartement.

- Sérieux ? Merci.

J'ai envie de me frapper le front. Pourquoi je le remercie ? C'est à cause de ses hommes si elle a été déglinguée.

- Je vais le rendre, je ne me sens plus de vivre là-bas, ajouté-je en buvant une gorgée du délicieux thé qu'Emiko nous a préparé.

Tōji plisse les yeux. Il porte la tasse à ses lèvres sans me lâcher du regard.

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